Par une belle nuit de 1941, Pier Paolo Pasolini est bouleversé par le spectacle de lucioles qui brillent dans l'obscurité, alors que la guerre fait rage autour d'elles. Le poète italien y voit le symbole de la joie et du désir qui peut continuer d'illuminer « amis et amants », au cœur même de la catastrophe du fascisme. Trente-quatre années plus tard, il publie dans le journal Corriere della Sera un article politique et polémique, qui prend acte de La Disparition des lucioles, phénomène qu'il date des années 60. Pour lui, leur extinction due à la pollution est la métaphore d'une humanité rongée par une pollution des esprits, par ce que Michel Leiris appelle la «merdonité » de la modernité. C'est sur les traces de Pasolini, telles que Georges Didi-Huberman les a suivies dans Survivance des lucioles, que Nicolas Truong s'interroge, à son tour, sur « la vivacité de la pensée critique » de nos jours. Tout autant amateur de théâtre que de philosophie, il cherche ce qu'un « théâtre philosophique » peut avoir de plus à dire que les mots des philosophes couchés sur les pages d'un livre. Avec un art consommé du montage, il fait résonner les textes entre eux, établit des dialogues entre les penseurs comme entre les écoles de pensée qui interrogent la modernité. Catastrophistes, déconstructionnistes, rationalistes ou démocrates, tous auront voix au débat. De Pasolini à Jacques Rancière, en passant par Foucault, Giorgio Agamben ou Jaime Semprun, leurs concepts se feront entendre à travers deux acteurs passeurs, Judith Henry et Nicolas Bouchaud, qui permettront aux « émotions de pensée » de surgir sur le plateau. Non sans humour ni légèreté, ils feront briller les lucioles qui peuvent encore enchanter nos nuits, si l'on sait ouvrir les yeux au bon moment et si l'on accepte, un tant soit peu, de se mettre en situation d'écoute. Avec ce Projet Luciole, la philosophie deviendra matière à produire du jeu et à prendre plaisir à réfléchir ensemble. Matière, en somme, à faire du théâtre. JFP
Distribution
conception et mise en scène Nicolas Truong
scénographie Élise Capdenat et Pia de Compiègne
collaboration artistique Nicolas Bouchaud, Judith Henry
lumière Philippe Berthomé
images Blandine Armand
avec Nicolas Bouchaud, Judith Henry, Nicolas Truong
Production
production Le Monfort
coproduction Festival d'Avignon, Théâtre National de Bretagne, Compagnie Le Théâtre des idées
avec l'aide de la SACD pour le Sujet à Vif en 2012
Par son soutien, l'Adami aide le Festival d'Avignon à s'engager sur des coproductions.