Jan Fabre est un artiste qui ne cesse de questionner la vitalité de l'être humain, et d'interroger la place de l'art et de l'artiste dans notre monde. Il explore, jusque dans ses limites, son corps, son âme, ses visions. Nourri par l'histoire de l'art, des peintres primitifs flamands à Marcel Duchamp, du théâtre grec à Antonin Artaud, il s'exprime aussi bien par le dessin, la sculpture, l'écriture et l'art de la scène où se mêlent dans le corps des interprètes le théâtre et la danse. Plasticien, il est l'auteur d'une œuvre foisonnante et protéiforme : dessins, monochromes, sculptures, photographies, performances, il investit des lieux multiples, jusqu'au Louvre qui lui a consacré ce printemps une importante exposition. Son camp de base est depuis quelques années le Troubleyn à Anvers, lieu de création de ses projets. Sur le plateau, ses spectacles, qu'ils soient dansés ou joués, qu'ils s'accompagnent de musiques ou de textes (qu'il écrit souvent lui-même), se sont imposés depuis plus de vingt ans comme l'une des sources les plus radicales du renouvellement de la scène contemporaine. Ce sont des mises en scène du corps et de ses excès, des apparences et de leurs dérèglements, des humeurs et de leurs palpitations, qui proposent une plastique de la saturation pouvant choquer et fasciner, entraîner l'adhésion ou le rejet. Il aime désigner ses acteurs comme des “guerriers de la beauté”, entraînés à la démesure des images et du rêve. Cependant, Jan Fabre manifeste une profonde tendresse envers l'humain et ses faiblesses. Des monologues (Elle était et elle est, même, Étant donnés) ou solos intimes composés sur mesure pour ses interprètes (Quando l'uomo principale è una donna, L'Ange de la mort) à ses flamboyantes pièces de groupe (dernièrement Requiem pour une métamorphose créé au Festival de Salzbourg 2007), la démarche de Jan Fabre garde le goût de l'enfance et de ses jeux. Jan Fabre, qui fut l'artiste associé de la 59e édition du Festival en 2005, y a déjà présenté Das glas im kopf wird vom glas en 1988, My movements are alone like street-dogs en 2000, Je suis sang et l'installation plastique Umbraculum en 2001, L'Ange de la mort en 2004 et, en 2005, L'Histoire des larmes et Je suis sang dans la Cour d'honneur du Palais des papes, L'Empereur de la perte et Le Roi du plagiat ainsi qu'une exposition à la Maison Jean Vilar, intitulée For intérieur.
Trois ans après avoir été artiste associé, Jan Fabre revient au Festival avec Another sleepy dusty delta day, un solo dansé par Ivana Jozic, l'une de ses muses, danseuse d'origine croate, avec laquelle le metteur en scène flamand collabore depuis plusieurs années, ayant déja créé ensemble L'Ange de la mort en 2003. Pour ce retour, il propose un travail autour du grand saut vers le vide, la mort, l'au-delà. Le titre Another sleepy dusty delta day s'inspire de la chanson à succès Ode to Billy Joe de Bobbie Gentry, écrite en 1967 à propos d'un jeune homme qui s'est suicidé en se jetant d'un pont. La ligne narrative ouverte de cette chanson country plutôt mystérieuse fait encore objet de spéculations aujourd'hui. Le spectacle mêle réminiscence autobiographique, puisqu'il s'interroge et revient sur la mort de la propre mère de l'artiste, travail chorégraphique précis et intense avec Ivana Jozic, et un texte écrit par Jan Fabre célébrant comme une entreprise éminemment poétique l'acte même du saut dans l'inconnu et de la dispersion du corps dans la matière. Jan Fabre a voulu cette forme de retrait, laissant à Ivana Jozic le soin d'apparaître en solitaire, d'incarner son écriture et sa présence, de virevolter sur la scène comme un esprit léger mais tragique, né de la vision d'une mère mourante et de l'imagination d'un homme amoureux se donnant soudain la mort. ADB
Distribution
Séance supplémentaire le meercredi 16 à 18h.
chorégraphie: Jan Fabre, Ivana Jozic
conception, texte, scénographie: Jan Fabre
interprète: Ivana Jozic
inspiré par: Ode to Billie Joe (1967, Bobbie Gentry)
production déléguée: Troubleyn/Jan Fabre
Production
production: Troubleyn/Jan Fabre (Anvers)
en coproduction avec: Napoli Teatro Festival, Festival d'Avignon, Philadelphia Live Arts Festival, Zagreb Youth Theatre - Theatre Festival
avec le soutien: des autorités flamandes et de la Ville d'Anvers