En 2013, le Théâtre National de Grèce invitait Olivier Py à mettre en scène la dernière pièce de Yannis Mavritsakis : Vitrioli. Le metteur en scène et le poète s'étaient rencontrés une année auparavant lorsqu'Olivier Py avait mis en espace Le Point aveugle avec France Culture. Vitrioli est une histoire de famille sur fond de crise, de guerre intime. Elle parle de la Grèce d'aujourd'hui, mais d'une façon indirecte ; elle parle de l'humain mais sans concepts économiques ou politiques. Elle fait le constat d'une catastrophe, celle d'un monde où plus rien n'est possible, d'une génération sacrifiée, qui se meurt sans se révolter. Elle présente un garçon conscient de ne rien pouvoir faire, conscient de ne jamais pouvoir se soustraire aux désirs des uns et des autres (potentielle petite-amie, mère, hermaphrodite, pope, médecin, inconnu). Il accepte d'être l'objet des fantasmes, des projections névrotiques, des peurs... Si l'auteur assume l'héritage de la tragédie antique, sa pièce est plus noire que celles des anciens. Le salut ne vient de nulle part, ni d'en haut, ni du dedans, ni de l'art, ni de la parole. Et le pessimisme de Vitrioli est à la mesure de sa lucidité, dans une absence totale de cynisme et de posture moralisatrice. Mavritsakis tend un miroir à la situation de son pays et à l'inquiétude d'une jeunesse totalement déspiritualisée. Ce miroir est présent dans le dispositif bi-frontal de la scénographie, où les spectateurs, tel un choeur, se voient dans les autres assister à la catastrophe, dans un décor de boue et de lumière.
Poète, auteur dramatique, romancier, metteur en scène de théâtre et d'opéras, acteur, chanteur... Olivier Py habite le théâtre depuis 1988. C'est au Festival d'Avignon en 1995 qu'il crée l'événement en proposant La Servante, histoire sans fin, cycle de pièces qui dure 24 heures, avant d'y revenir à maintes reprises : Apologétique, Le Visage d'Orphée, L'Apocalypse joyeuse, Requiem pour Srebrenica, Les Vainqueurs, L'Énigme Vilar présentée dans la Cour d'honneur, mais aussi en chantant Miss Knife dans le festival OFF. En 2006, il écrit sa première comédie, Illusions comiques, avant d'entamer un long travail sur la tragédie avec Les Enfants de Saturne, L'Orestie, Les Sept contre Thèbes, Les Suppliantes et Les Perses d'Eschyle. Les références à Jean Vilar et au théâtre populaire sont mêlées à son parcours. Directeur du Centre dramatique national d'Orléans puis de l'Odéon-Théâtre de l'Europe, il est dans l'engagement pour servir le théâtre public comme dans le combat politique : avec Ariane Mnouchkine et François Tanguy contre le siège de Sarajevo, en soutien aux sans-papiers, plantant le drapeau palestinien et accueillant la résistance syrienne à l'Odéon, aux côtés de Christiane Taubira pour le mariage homosexuel ou encore s'opposant à l'extrême droite aux dernières élections municipales. Il est depuis septembre 2013 directeur du Festival d'Avignon.
Yannis Mavritsakis est né à Montréal en 1964 et vit à Athènes depuis 1970. Diplômé de l'école du Théâtre National de Grèce à Athènes, il a mené une carrière d'acteur jusqu'en 2003, date à laquelle il a décidé de se consacrer à l'écriture dramatique. Il est l'auteur de cinq pièces, déjà traduites : Le Point aveugle, Wolfgang, Famina/Boulot de merde, Vitrioli et Décalage vers le rouge. Ses pièces ont toutes été montées à Athènes – au Théâtre National, au Festival d'Athènes ainsi qu'au Théâtre Poreia. Le Point aveugle a remporté le prix Karolos Koun de la meilleure pièce grecque en 2008, Wolfgang le prix Georgios Hortatsis en 2008 et 2010. La traduction française de cette pièce est lauréate, en 2010, de la commission nationale d'aide à la création de textes dramatiques à Paris. Vitriol est publié aux Éditions Théâtrales.
Laurent Muhleisen, avril 2014
Distribution
Mise en scène Olivier Py Traduction Dimitra Kondylaki Scénographie et costumes Pierre-André Weitz Lumière Bertrand Killy Assistanat à la mise en scène Xenia Themeli Assistanat à la scénographie et aux costumes Paul Thanopoulos
Avec Maria Kechagioglou Minas Chatzisavvas Nikos Chatzopoulos Dimitris Lalos Periklis Moustakis Kitty Paitazoglou Haris Tzortzakis
Production
Production Théâtre national de Grèce Avec le soutien de l' Institut français de Grèce dans le cadre du programme Grèce-France Alliance 2014, Fondation Stavros Niarchos