« Tout m'intéresse du moment que je peux le bouffer », dit Baal, héros homonyme du dieu phénicien qui redonne des couleurs à la nuit. Cette dévoration universelle est aussi celle du jeune Brecht au sortir de la Première Guerre mondiale, quand la boucherie humaine prend fin et qu'il faut reconstruire sur les ruines d'une civilisation européenne que l'on avait crue, à tort, apaisée et porteuse de valeurs humanistes et progressistes. Il écrit alors cinquante-huit pages de poésie brute. Cinquante-huit pages qui fleurent bon le nihilisme d'un jeune homme que rien ne peut arrêter dans sa folle course aux plaisirs, dans sa quête de liberté, dans son besoin de vivre passionnément chaque instant d'une existence dont il perçoit d'avance la fin tragique. Pièce inachevée, Baal est construite par fragments successifs : vingt-huit scènes organisées comme un puzzle théâtral, dont François Orsoni s'empare avec sa troupe d'acteurs-chanteurs. Ne cherchant pas à rendre cohérente une dramaturgie qui ne l'est pas, ils explorent scène par scène les possibilités offertes par ce texte, unique dans l'œuvre de Brecht, et par la musique, imaginée par Tomas Heuer, ancien membre du groupe Bérurier Noir. C'est au cœur de l'intime que se fait ce voyage chaotique. Un intime devenu spectaculaire, partageable collectivement, dérangeant car impudique, fascinant car généreux, émouvant car sincère et tragique. Ce suicide annoncé, et assumé, par une pratique de toutes les jouissances possibles à chaque seconde d'une vie que l'on ne cherche pas à protéger, est essentiellement un geste de poète, un formidable pied de nez à ceux qui se rassurent en respectant Dieu et les lois, une fable animée d'une force vitale consommée sans modération. C'est à une actrice, Clotilde Hesme, que François Orsoni a confié le rôle de Baal. Une compagne fidèle de ses aventures théâtrales, qui assume sur scène sa force et sa fragilité, à l'égal d'un Baal qui, même en jouant, ne triche jamais. Une actrice pour « distancier », pour aller au-delà de l'image conventionnelle du poète maudit et questionner autrement la masculinité et la féminité. JFP
Distribution
mise en scène François Orsoni collaboration artistique François Curlet musique Tomas HeuerThomas Landbo lumière Kélig Lebars son Rémi Berger costumes Anouck Sullivan
avec Alban Guyon, Mathieu Genet, Clotilde Hesme, Tomas Heuer, Thomas Landbo, Estelle Meyer, Jeanne Tremsal
Production
production Théâtre de NéNéKa coproduction Festival d'Avignon, Collectivité territoriale de Corse, Ville d'Ajaccio, Festival delle Colline (Turin), CCAS, Théâtre de la Bastille, Théâtre d'Arles avec le soutien du Théâtre universitaire de Nantes dans le cadre d'une résidence de création et du Théâtre 71 Scène nationale de Malakoff Le Festival d'Avignon reçoit le soutien de l'Adami pour la production.