Luk Perceval, directeur du Het Toneelhuis (“maison de la scène”) à Anvers, est l'un des principaux acteurs de la “nouvelle vague flamande” des années 1980. Il explore un envoûtant théâtre du rituel et du renouveau spirituel. Shakespeare, Tchekhov, Cervantès, Racine : les auteurs du répertoire qu'il adapte et concentre à leur quintessence sont des explorateurs de l'âme humaine. Cette volonté
d'interroger notre solitude existentielle conduit Luk Perceval à inventer un théâtre évident et mystérieux, dépouillé et silencieux. Il sera prochainement artiste associé à la Schaubühne de Berlin.
Sur les hauteurs divines et glacées d'un autel en marbre, cinq personnages livrent un combat qui les fait osciller entre la dignité et l'impudence. Héros aveuglé, héroïne séquestrée, amante délaissée, fils parricide repenti, orphelin de la Guerre de Troie : les personnages de la tragédie de Racine ont été dépouillés de toute versification. Loin des conventions du classicisme, la pièce est ramenée au substrat de son intrigue : l'histoire d'Andromaque, Troyenne déchue dont la cité fut vaincue, veuve d'Hector et captive du prince Pyrrhus, que convoite Hermione, elle-même promise à Oreste. Par amour pour Andromaque, Pyrrhus est prêt à défier le peuple grec ; Hermione n'est plus que douleur ; Oreste, une marionnette entre les mains d'une vengeance ; Andromaque, elle, sublimée par la fidélité. Le bruit cinglant de bouteilles fracassées fait résonner l'âme écorchée d'une amante repoussée, les tessons de verre jonchés à même le sol mettent en danger physique des comédiens juchés sur un autel. L'immobilité des interprètes en état de déséquilibre constant accentue la tension dramatique. Composé comme un bas-relief, mis en scène comme un tableau vivant, le “standard” racinien ainsi revisité est émaillé de silences étourdissants interrompus par des répliques affûtées comme des lames de rasoir. Luk Perceval exhale des sentiments universels lors d'une implacable révolution de palais née sur les décombres d'une guerre mythique qu'il considère comme la matrice de tous les conflits passés et présents de l'Occident.
Distribution
mise en scène Luk Perceval / Het Toneelhuis
texte : Peter Perceval, Luk Perceval
avec : Gilda De Bal, Tom Dewispelaere, Koen van Kaam, Peter Seynaeve, Ariane van Vliet
traduction et adaptation française : Géraud Didier, Monique Nagielkopf
dramaturgie : Géraud Didier, Jan van Dyck
scénographie : Annette Kurz
costumes : Ilse Vandenbussche
lumières : Mark Van Denesse, Luk Perceval
assistante à la mise en scène : Lutje Lieven
Production
production : Het Toneelhuis (Anvers)
avec la participation : du ministère de la Communauté flamande