Dans un show au décor de carton-pâte – une maison de poupée ? Un palais de papier ? – quatre interprètes vont, se détournent, surgissent, repartent, bouclent... à bout de bras ou près du corps, ils portent rôles et vêtements dans un défilé circulaire, faisant apparaître les spectres de cow-boys, de marins, de danseuses orientales et autres figures lascives ou farouches. Fidèle à son projet d'étudier les liens entre pratiques artistiques et populaires, entre danses académiques, commerciales et contestataires, Trajal Harrell met en place un manège inédit qui fait vibrer l'histoire et vaciller les stéréotypes. Point d'ancrage et destination du voyage : le hoochie coochie. Un nom d'une autre époque pour une pratique qui s'est développée dans le sillage de l'exposition de Philadelphia de 1876 puis de l'exposition universelle de 1893 à Chicago, où la danseuse syrienne Little Egypt avait ému les foules. Depuis, et un siècle durant, les variations exotiques et sexuellement suggestives se multiplient dans les cirques itinérants des États-Unis où la femme exposée offre une danse du bassin et du ventre, une danse nourrie d'influences que l'on pourrait tenter de raccorder au Moyen-Orient, à l'Afrique mais aussi aux peuples des Roms - Gitans, Manouches, Tziganes... ou des Indes orientales. Aucun souci de fidélité documentaire ici. Trajal Harrell ne propose pas une reconstitution, mais plutôt une divagation collective, dont les spectateurs sont parties prenantes. Une divagation éclairée par un siècle de travaux sur le sexisme, l'orientalisme, le colonialisme et le genre, dont le chorégraphe est familier et qui impriment à ses visions toute leur modernité. Dans Caen Amour comme dans la plupart de ses créations, Trajal Harrell franchit volontiers la ligne entre salle et scène, jouant le trait d'union entre les spectateurs et son propre imaginaire. Un imaginaire qui nargue les distances chronologiques, géographiques et culturelles, tissant des liens, crédibles ou improbables, entre le voguing et la danse post-moderne américaine (la série Twenty looks or Paris is burning at the Judson Church), entre le danseur français Dominique Bagouet et le fondateur du butô Tatsumi Hijikata (The Ghost of Montpellier meets the Samourai).
Distribution
Chorégraphie, son Trajal Harrell
Lumière Sylvain Rausa
Scénographie Jean Stephan Kiss et Trajal Harrell
Dramaturgie Sara Jansen
Costumes Trajal Harrell et les interprètes
Avec Trajal Harrell, Thibault Lac, Perle Palombe, Ondrej Vidlar
Invité Aria Boumpaki
Production
Coproduction Kampnagel (Hambourg), Festival Avignon, Théâtre de Fribourg, Arsenic (Lausanne), Gessnerallee Zürich, Institute for Contemporary Art (Boston), Productiehuis Rotterdam, Kaaitheater Bruxelles
Avec le soutien de Tanzfond Erbe (Berlin) et de la Fondation BNP Paribas