Les crises écologiques ont ceci d'intéressant qu'elles introduisent une distinction entre les notions jusque-là mélangées de futur et d'avenir. Le futur est mis en doute parce qu'il semble maintenant lié à une sorte de fuite en avant. C'est cette fuite que des penseurs comme Hans Jonas (1903-1993) ou Ulrich Beck ont voulu suspendre. Suspense, retournement. Que découvre-t-on une fois retourné ? Un avenir très différent du futur dans son déploiement et son rythme. Ces arguments de philosophie de l'histoire moderne, Bruno Latour voudrait en faire une fiction. Nom de code : Cosmocolosse. Le suspense, les retournements, n'est-ce pas le théâtre même ? Rencontre avec un penseur iconoclaste qui viendra notamment présenter son Manifeste compositionniste : « Les arts et la politique ne sont trop souvent reliés que par l'art officiel de sinistre mémoire, la commande publique, ou, plus savamment, par l'explication que l'on donne parfois des œuvres d'art en terme de "pouvoir" et de "contexte social". Or il existe bien d'autres liens possibles entre la liberté que donnent les œuvres et la liberté que recherche toujours, obstinément, la politique. Ces liens multiformes on les rencontre dès que l'on suit comment des citoyens, des élus, des activistes, des experts parviennent à briser les formes usuelles de représentation pour formuler à nouveau les problèmes, les affaires, les conflits qui les rassemblent et qui les divisent. La "chose publique" ne peut se composer qu'à la condition d'avoir assez de gens capables d'articuler les enjeux, de les représenter et de les composer à nouveaux frais. Les arts, les sciences, les politiques sont affaires d'articulation. Sans les artistes, nous resterions inarticulés. Sans les politiques, nous serions incapables d'articuler nos positions et d'en changer. Sans l'articulation du monde par les sciences, le monde resterait muet. »