Édito


64e édition
du 7 au 27 juillet 2010


Nous avons préparé cette 64e édition avec Christoph Marthaler, metteur en scène, et Olivier Cadiot, écrivain, nos deux artistes associés. Au fil de nos conversations, nous avons découvert des auteurs plongés dans la réalité, comme des "artistes anthropologues" de notre vie quotidienne. Leurs écritures, théâtrales ou littéraires, empreintes de musicalité, saisissent au plus près l'homme contemporain. Ils vivent le présent et nous le restituent, en mêlant des ingrédients de la culture savante et populaire qu'ils perturbent avec des traces du passé surgies de fouilles archéologiques imaginaires.


Leur venue au théâtre s'est construite dans l'échange avec d'autres artistes. La scénographe Anna Viebrock crée, pour Christoph Marthaler, des lieux à habiter théâtralement avec sa famille de comédiens et chanteurs. Le metteur en scène Ludovic Lagarde et son groupe d'acteurs, dont Laurent Poitrenaux, donnent vie sur scène aux livres d'Olivier Cadiot.


Construit au XIVe siècle comme symbole d'une puissance religieuse et politique, le Palais des papes, son architecture et son histoire seront le point de départ de Papperlapapp, la nouvelle création théâtrale et musicale de Christoph Marthaler. Il servira ensuite de décor au destin tragique du roi Richard II qui, à la fin de ce même XIVe siècle, s'abandonna à sa fragilité d'homme à l'épreuve de l'exercice du pouvoir. Cette pièce de Shakespeare, qui fut à l'origine du Festival en 1947, sera mise en scène par Jean-Baptiste Sastre dans une nouvelle traduction, avec Denis Podalydès dans le rôle-titre. C'est également la figure du roi, cette fois placée dans un exil contemporain, qu'interroge le roman d'Olivier Cadiot, Un nid pour quoi faire, qui sera adapté au théâtre.


Nous avons voyagé de Vienne à Bâle à travers la Mitteleuropa dont la littérature, inquiète face à la folie guerrière du début du XXe siècle, sera présente sur nos scènes avec L'Homme sans qualités de Musil, Le Procès de Kafka, Baal de Brecht et, comme un écho plus récent, Délire à deux de Ionesco.Avec Angélica Liddell, Julie Andrée T., Jean Lambert-wild, Christophe Huysman, Faustin Linyekula, Massimo Furlan ou Falk Richter, nous ferons une large place aux auteurs qui écrivent aujourd'hui pour les plateaux. Ils utilisent le langage des mots, des corps, parfois de la musique, cherchant des formes entre théâtre et performance, et, à travers leur douleur, colère ou tendresse, disent notre époque.


Nos comportements, nos histoires, lumineuses ou sombres, seront observés à travers les spectacles de Philippe Quesne, Gisèle Vienne, Stanislas Nordey, Zimmermann & de Perrot ou du GdRA qui représentent sur scène la fragilité de notre condition humaine. Comme le feront, de manière plus abstraite, les partitions chorégraphiques d'Alain Platel, Cindy Van Acker, Josef Nadj, Boris Charmatz, Pierre Rigal ou Anne Teresa De Keersmaeker, qui s'inspirera de la musique ars subtilior inventée à la cour des papes d'Avignon, à la fin du XIVe siècle.


La musique traversera ce Festival, notamment avec les concerts de Pascal Dusapin et de Rodolphe Burger, qui orchestrera par ailleurs un grand bal du 14 juillet sous le Pont d'Avignon. La littérature contemporaine sera également présente sur de nombreux plateaux, et nous lui consacrerons un cycle de lectures, qui débutera avec Pierre Guyotat.


Le Festival sera rythmé par les dix rendez-vous de la Vingt-cinquième heure, dont des conférences-spectacles décalées et des projets étonnants portés par des acteurs déjà présents au Festival, mais aussi par les huit créations des Sujets à Vif, toutes issues de commandes basées sur une rencontre artistique.


Pour partager vos expériences de spectateurs ou les approfondir, nous vous convions à l'école d'Art pour des rencontres quotidiennes avec les artistes ainsi qu'au Gymnase Saint-Joseph avec les philosophes invités à débattre au Théâtre des idées.


Toutes ces expériences collectives donnent des outils pour penser nos temps de crise sociale et économique. Cet "être ensemble" nécessaire pour que le théâtre advienne, qui rassemble artistes et spectateurs, nous aide à résister au repli sur soi et aux tentations de dissolution de la notion même de bien public.


Beaucoup de ces spectacles se créent pour le Festival d'Avignon, beaucoup d'artistes y viennent pour la première fois. Nous faisons donc confiance à votre curiosité et vous invitons à venir vous plonger dans cette nouvelle édition.


Hortense Archambault et Vincent Baudriller
directeurs
Avignon, 19 avril 2010

Écriture et musique traversent cette programmation comme elles ont marqué celles d'Alain Crombecque, qui dirigea le Festival d'Avignon de 1985 à 1992, et à qui nous dédions cette 64e édition.

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