Que signifie être de son temps ? Comment peut-on réfléchir sur son époque ? Doit-on penser avec ou contre elle ? Faut-il être absolument moderne ? Comment définir les contours d'un art contemporain qui oscille parfois entre querelles et malentendus ? Afin d'éviter le simple constat - le contemporain, c'est ce qui se passe au moment présent, les événements ou œuvres qui sont de notre temps -, il serait tentant de dire que ce terme introduit une rupture au moins formelle avec la « modernité », mot introduit par Baudelaire et que le philosophe allemand Jürgen Habermas considère comme un « projet inachevé ». S'il s'est substitué au mot « moderne », une malédiction pèse cependant sur le contemporain. Selon le philosophe italien Giorgio Agamben, le « contemporain est celui qui reçoit en plein visage le faisceau de ténèbres qui provient de son temps ». Il y aurait comme un accord tacite au sein d'une certaine pensée critique. Pour nombre de contempteurs du temps présent, le monde contemporain aurait détruit l'expérience, annihilé les sens, réduit l'existence à la survie. Impossible voyage, dépolitisation de la politique, grégarité consumériste, conditionnement technologique... Le discours philosophique de la modernité est en grande partie celui de la « merdonité », selon le mot de Michel Leiris. Comment résister à la tentation nostalgique d'un retour au passé sans tomber dans un acquiescement béat à la nouveauté ? Comment aborder des œuvres d'art où le jeu et l'expérimentation occupent une grande part ? Car il n'existe pas un art contemporain, pour ne s'en tenir qu'au seul champ esthétique, mais des façons différentes d'appréhender l'étrangeté ou la familiarité des formes plastiques de notre contemporanéité. Entre esthétique et politique, littérature et philosophie, une réflexion à plusieurs voix d'une nouvelle génération d'auteurs sur la condition postmoderne.