Il n'y a pas de mauvaises raisons pour se faire une scène de ménage. Surtout quand, depuis dix-sept ans, c'est devenu le quotidien d'un couple improbable qui mène son petit combat personnel, pendant que résonnent autour de lui les bruits de la guerre civile. Il n'y a pas non plus de mauvaises raisons pour Eugène Ionesco de faire de ce petit drame une superbe comédie. Une comédie insolite, bien sûr, mais attestant dans le même temps de la diversité des facettes d'un auteur trop vite cantonné au théâtre de l'absurde. Avec Délire à deux, on y découvre tout ce qui fait de Ionesco l'un des grands dramaturges du XXe siècle : un auteur passé maître dans l'art du dialogue et dans le maniement de cette langue française qu'il vénérait, doublé d'un ingénieux artisan qui subvertissait les conventions théâtrales en les ébranlant durablement. Avec lui, la langue se décompose et déraille pour notre plus grand bonheur, déployant un monde poétique qui finit par nous engloutir. Comme beaucoup de comédies, Délire à deux dissimule adroitement le tragique de la vie. C'est tout à la fois une décapante leçon d'humour sarcastique et un questionnement sur l'indispensable espoir que représente la force de la relation humaine, dans un monde en proie à la violence toujours plus menaçante. Elle et Lui se protègent des attaques extérieures en s'agressant sans retenue, maintenant un lien étroit entre eux, un lien protecteur, un lien qui permet la survie. Valérie Dréville et Didier Galas, qui souhaitaient depuis longtemps travailler ensemble, formeront ce couple inséparable, bien que parlant en permanence de séparation. Réunis par Christophe Feutrier, ils incarneront ces deux êtres humains qui semblent rêver leur vie pour mieux éviter d'affronter la mort. Celle inscrite dans leur corps, comme celle venue du monde du dehors et qui frappe à leur porte. JFP
Distribution
mise en scène Christophe Feutrier dramaturgie Denys Laboutière scénographie Christophe Feutrier, Jean-Pierre Schneider mouvement Philippe Ducou environnement sonore et musical Samuel Sighicelli lumière Samuel Marchina costumes Olga Karpinsky
avec Valérie Dréville, Didier Galas
Production
production Théâtre Vidy-Lausanne E.T.E avec le soutien de Pro Helvetia-Fondation suisse pour la Culture