La place du spectateur : quelle responsabilité du regard ?

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avec

Florence Dupont anthropologue du théâtre

Marie-José Mondzain philosophe

Quelle place le spectateur d'œuvres vivantes peut-il occuper dans la “société du spectacle”, où le monde vécu semble s'être éloigné dans la représentation télévisuelle ? L'art contemporain doit-il imposer un sens univoque ou bien permettre au spectateur de construire lui-même son regard, au risque de la désorientation ? Deux spectatrices engagées de la scène contemporaines confrontent leur regard et leur analyse. Dans Homo Spectator (Bayard, 2007) ainsi que dans sa discussion avec le dramaturge Hans-Thies Lehmann (Le Théâtre des idées, collectif, Flammarion, 2008), Marie-José Mondzain a montré que la condition de spectateur était celle de l'humanité : “Si c'est l'homme à qui le théâtre s'adresse, l'important n'est pas de savoir s'il y a du texte ou non, mais si ce qu'il nous donne à voir nous donne la parole ou la prend à notre place”. Dans Aristote ou le vampire du théâtre occidental (Flammarion, 2007), Florence Dupont a montré qu'il était temps de déconstruire la Poétique d'Aristote : “Tout le monde croit, car c'est une croyance, qu'une pièce de théâtre était toujours, jusqu'à une date récente, la représentation d'une histoire”. Or, pour l'auteur, il s'agit de nous délivrer de cette fable. “En son temps, la Poétique fut une machine de guerre contre le théâtre traditionnel. Aristote inventait le théâtre littéraire, élitiste, austère, sans corps ni musique ni dieu : un théâtre de lecteurs. L'idéologie aristotélicienne est plus que jamais présente dans notre théâtre contemporain : dans le texte sacralisé, dans le récit, surnommé “fable” depuis Brecht, et placé au centre de tout, dans la mise en scène elle-même et la dramaturgie. Aristote a déthéâtralisé le théâtre, désenchanté le théâtre. Libérer la scène contemporaine, c'est redécouvrir les théâtres ritualisés, ludiques, musicaux”. Une rencontre destinée à envisager autrement la place du spectateur.