Alain Françon est un metteur en scène curieux et fidèle. Curieux d'auteurs nouveaux, fidèle à certains maîtres anciens. Depuis 1972, il a mis en scène plus de cinquante pièces, Tchekhov, Ibsen, Feydeau, Vinaver, O'Neill, etc. En 1992, La Compagnie des hommes est sa première mise en scène d'une pièce d'Edward Bond. Ce sera le début d'une réelle complicité entre le célèbre auteur dramatique anglais et le metteur en scène français. Avec détermination, il fera connaître à un large public ce théâtre politique, engagé, surtout depuis sa nomination à la tête du Théâtre National de la Colline en 1997. Pièces de guerre, Café, Le Crime du XXIe siècle et Si ce n'est toi sont des mises en scène au plus près de l'écriture de Bond, des analyses au scalpel d'un monde en voie de déshumanisation, d'un monde qui risque d'advenir si nous n'y prenons pas garde. Entouré d'une « bande » d'acteurs fidèles, Alain Françon a su rendre « classique » et donc universelle cette réflexion contemporaine. De la même façon qu'il avait su rendre « contemporains » les plus classiques de ses auteurs préférés.
Au Festival d'Avignon, Alain Françon a déjà présenté Je songe au vieux soleil... et Mes souvenirs en 1985, Une lune pour les déshérités en 1987, Tir et Lir en 1988, Pièces de guerre en 1994 et Édouard II en 1996.
Edward Bond est né en 1934 près de Londres dans une famille de la classe ouvrière. Sa première pièce The Pope's Wedding est créée en 1962 au Royal Court Theatre et marque le début d'une carrière d'auteur dramatique qui compte plus de trente pièces à son actif. Parmi elles, on peut noter Sauvés, qui fit un scandale lors de sa création en 1965, la trilogie des Pièces de guerre, La Compagnie des hommes, Maison d'arrêt...
Edward Bond s'intéresse particulièrement au théâtre pour un public jeune, avec qui il organise des ateliers de travail et pour lequel il écrit des pièces spécifiques. Il a aussi mis en scène certaines de ses pièces et a publié ses réflexions théoriques sur le théâtre.
Considéré comme l'un des plus grands dramaturges contemporains de langue anglaise, il écrit un théâtre politique qui veut mettre en lumière les contradictions de la civilisation occidentale et alerter ses contemporains sur les dérives autoritaires qui les menacent.
Edward Bond a été joué pour la première fois au Festival d'Avignon en 1970 avec sa pièce Early Morning mise en scène par Georges Wilson dans la Cour d'honneur.
Naître - Ce texte creuse davantage encore le sillon de l'épopée tragique par laquelle Edward Bond veut interroger son temps ; la peinture d'un monde déshumanisé d'où l'homme n'a pas été chassé mais où il demeure surveillé, encadré, terrorisé. Un monde de peur peuplé de femmes, d'hommes et d'enfants soumis aux WAPOs (la war-police) qui menacent, déportent et tuent au nom d'un pouvoir omniprésent mais invisible.
Ce théâtre, par la violence des actes et des propos, oblige le spectateur à affronter les problèmes plutôt que de les fuir. Edward Bond s'adresse à la responsabilité de l'homme devant l'avenir, en faisant appel à son imagination et à sa raison, ces deux composantes indispensables pour faire de l'homme un « humain » et pour que « nos démocraties ne deviennent pas les formes les plus achevées de l'esclavage ». C'est aussi pour défendre un théâtre qui ne soit pas « une boutique parmi d'autres sur le marché » qu'il écrit cette œuvre dérangeante mais percutante, qu'il invente cet univers encore fictionnel mais dont on sent bien la menace. L'humanité qu'il accorde même aux bourreaux, eux aussi victimes du système qu'ils incarnent, rend plus fort notre questionnement et nous laisse peu d'échappatoires.
Dans une langue construite avec précision, c'est un nouveau théâtre politique du XXIe siècle qui se présente à nos yeux, un théâtre de l'engagement, du refus de la marchandisation. Un théâtre qui propose des armes nouvelles pour ceux qui ne veulent pas s'aveugler.
Naître est la troisième pièce d'une tétralogie dont les deux premiers volets, Café et Le Crime du XXIe siècle, ont été créés et mis en scène par Alain Françon au Théâtre National de la Colline en 2000 et 2001. Edward Bond vient d'achever Les Gens, la pièce qui doit clôturer le cycle.
Jean-François Perrier
« Il n'y a pas de médicament, de traitement pour devenir humain : nous devons en permanence recréer notre humanité, et le théâtre est le lieu où se recrée cette humanité. »
Distribution
texte français : Michel Vittoz
mise en scène Alain Françon
avec : Stéphanie Béghain, Yoann Blanc, Carlo Brandt, Luc-Antoine Diquéro, Éric Elmosnino, Victor Gauthier-Martin, Pierre-Félix Gravière, Guillaume Lévêque, Dominique Valadié, Abbès Zahmani
dramaturgie : Michel Vittoz et Guillaume Lévêque
scénographie : Jacques Gabel
lumières : Joël Hourbeigt
costumes : Patrice Cauchetier
univers sonore : Gabriel Scotti
conseil chorégraphique : Caroline Marcadé
maquillages et masques : Dominique Colladant
assistant à la mise en scène : David Tuaillon
Production
Production : Théâtre National de la Colline
Texte français publié par : l'Arche éditeur