Les romans et textes de Christine Angot, écrits pour la scène ou adaptés pour elle, composent une œuvre qui semble partir de l'intime, tout en s'écartant radicalement de la confession ou du témoignage. Elle conteste ainsi que ce qu'on appelle “l'intime” ne puisse être délivré que dans la subordination de rapports sociaux dits “de confiance”. L'histoire est traitée dans ses textes comme une part publique qui nous concerne tous, non pas comme observateurs mais comme connaisseurs intimes, et trouve dans l'énergie particulière de cette écriture la force de s'imposer sans être asservie aux lois du genre confidentiel. La prise de parole publique par la publication ou par la scène fait échapper sa littérature à de tels réflexes pour devenir une affaire commune, et par là-même scénique. Cela depuis la publication de son premier roman, Vu du ciel en 1990, en passant par L'Inceste en 1999, qui la propulse sur le devant de la scène médiatique, jusqu'aux textes les plus récents, comme Pourquoi le Brésil ? (2002), Une partie du cœur (2004), ou Normalement (2001), mis en scène par elle-même et Michel Dydim au Théâtre national de la Colline (2002) et dont est extrait le texte qui signe sa première collaboration artistique avec Mathilde Monnier, dans la pièce Arrêtons, arrêtez, arrête. Le titre même de son dernier roman, Les Désaxés, exprime bien le décentrement du sentiment de ses personnages par rapport à leur place sociale, comme le décentrement de la littérature elle-même par rapport à la fonction accordée au langage dans les relations où la parole s'échange et se fonctionnalise, risquant de faire perdre aux personnes le mystère contenu dans l'expression, que la littérature se charge, elle, de préserver.
Directrice du Centre chorégraphique national de Montpellier depuis 1994, Mathilde Monnier signe sa première création en solo en 1988, avec une pièce un brin surréaliste. Après avoir traversé l'écriture du jazz auprès de Louis Sclavis, Chinoiserie et Face Nord (1991), elle remet radicalement en question son processus d'écriture, pour interroger au plus près le corps et les espaces liés à la notion de communauté. En parallèle à ses pièces, elle engage différents travaux et actions – certains en lien avec l'Afrique, d'autres, à Montpellier auprès de personnes atteintes d'autisme – expériences qui ouvrent son travail à de nouvelles dimensions. Elle crée Pour Antigone (1993) avec des danseurs africains et occidentaux, tandis que L'Atelier en pièces (1996) réfléchit sur la proximité, le corps et l'enfermement. De la différence aux questions de société, elle développe une recherche qui creuse dans le désordre intérieur jusqu'aux limites de la folie comme dans Déroutes inspiré de Lenz de Büchner (2003), ou Publique (2004), une chorégraphie interprétée par des femmes, qui interroge l'identité et le rapport au rock à travers la musique de P. J. Harvey. Au Festival d'Avignon, Mathilde Monnier a déjà présenté Pudique acide / Extasis en 1986, Ainsi de suite en 1992, L'Atelier en pièces en 1996 et Les Lieux de là en 1999.
Elles se côtoient depuis plusieurs années et ont signé leur première collaboration artistique en 1997, pour la pièce Arrêtons, arrêtez, arrête. Mathilde Monnier, chorégraphe et Christine Angot, écrivain. L'envie de se retrouver à nouveau et d'aller plus loin les a finalement poussées à se produire ensemble sur scène. La Place du singe est un duo, un dialogue entre danse et texte, que chacune élabore selon son langage. Ces échanges qui dérivent de l'expérience et surtout de la sensation quant à un milieu social, la bourgeoisie, comme détentrice exclusive des clés du bonheur, de l'art de vivre et de l'art. L'ami-ennemi à combattre-séduire qui fait tout le sel du propos. Les deux artistes interprètent un jeu tendre ou en colère, mais jamais ironique. Chaque langage fait entendre sa propre musicalité et l'engagement des personnes sur le plateau. Cette mystérieuse question de la présence. Sur scène, l'espace subrepticement se modifie selon les gestes discrets de la scénographe, Annie Tolleter. Dans cet environnement sonorisé, en constante transformation, chorégraphe et auteur mettent en scène de multiples regards, ce que souligne le texte d'une chanson de Jean-Louis Murat “Qu'entends-tu de moi, que je n'entends pas”, et “que sais-tu de moi ?”
Distribution
Un spectacle de et avec : Christine Angot, Mathilde Monnier, avec Annie Tolleter (scénographe)
Lumières : Eric Wurtz
Réalisation sonore : Olivier Renouf
Regard : Rita Quaglia
Production
Production : Festival Montpellier Danse 2005, Théâtre Garonne-Toulouse, Scène nationale de Cavaillon, Centre chorégraphique national de Montpellier Languedoc-Roussillon
Avec le soutien : de la fondation “Beaumarchais” / Sacd