Metteur en scène dissident d'une Allemagne de l'Est corsetée, puis artiste engagé d'un pays réunifié mais encore divisé, Frank Castorf est, depuis onze ans, le directeur de la Volksbühne, l'un des plus grands théâtres de l'ancien secteur est berlinois. Enfant du théâtre politique brechtien, sa manière de s'emparer des œuvres de Tennessee Williams (Forever Young) ou de Dostoïevski (Humiliés et offensés, L'Idiot, Les Démons), sa conception d'un théâtre insurgé auquel une troupe d'acteurs, de scénographes et de dramaturges fidèles est étroitement associée, font de Frank Castorf l'incontournable “régisseur” d'un des théâtres les plus courus et inventifs de Berlin, d'une des scènes les plus suivies et controversées d'une Europe née sur les décombres du rideau de fer.
Cocaïne
On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans. Tito Arnaudi, héros libertin des années vingt du roman de l'Italien Pitigrilli (1893-1975), n'échappe pas à la règle. Ce jeune dandy quitte la quiétude de ses études pour les frasques de la vie parisienne. Avide d'expériences nouvelles, il écrit un reportage détonnant sur l'opium du peuple des nuits orgiaques : la cocaïne. Une drogue qu'il ne cessera de consommer, lors d'un long dérèglement de tous les sens. Érotiques : la sensualité insatiable de Maud, son ancien amour, son héroïne, sa “Cocaïna”, croise les extravagances d'une arménienne délurée. Extatiques : la poudre blanche est l'extase d'un monde d'illusions que l'on corrompt, la mystique de l'empire et de l'emprise médiatique. « Je me tue car vivre me dégoûte. Tout homme intelligent arrivé à 28 ans devrait en faire autant », conclut Tito. Dans un décor envisagé comme un autel, un chemin de croix, une éruption volcanique par le plasticien Jonathan Meese, la troupe étourdissante de Frank Castorf nous entraîne dans une odyssée chaotique. Une caméra vidéo virtuose et voyeuriste leur colle à la peau. Comme pour mieux saisir l'état d'overdose, un film de science-fiction hiératique met le spectateur en état d'hypnose. Le scepticisme corrosif de Pitigrilli est ici mis en scène avec une maîtrise explosive de la déchéance, dans un théâtre où l'on chante et l'on danse sur les ruines d'une Europe décadente.
Distribution
d'après le roman de : Pitigrilli
adaptation et mise en scène : Frank Castorf
avec : Kathrin Angerer, Hendrik Arnst, Brigitte Cuvelier, Martha Fessehatzion, Sir Henry, Marc Hosemann, Jörg Neumann, Irina Potapenko, Silvia Rieger, Alexander Scheer, Jeanette Spassova
scénographie : Jonathan Meese
costumes : Barbara Aigner
composition et musique : Sir Henry
régie vidéo : Jan Speckenbach
caméra : Andreas Deinert
montage en direct : Jens Crull
lumières : Lothar Baumgarte
collaboration dramaturgique : Carl Hegemann, Jutta Wangemann
Production
production :Volksbühne am Rosa-Luxemburg-Platz (Berlin)
avec le soutien: de la Stiftung Deutsche Klassenlotterie Berlin, du Sénat de Berlin, de la déléguée à la Culture et au Média du Gouvernement fédéral allemand et du ministère des Affaires étrangères allemand
© photo Thomas Aurin