Les parois immenses se couvrent de rouge. Rouge-sang pour une Cour rutilante. Des murs du Palais des papes semble suinter le liquide organique des martyrisés de l'Histoire. En 1996, le visionnaire Jan Fabre découvre la Cour d'honneur, et perçoit aussitôt l'histoire sanguinaire de l'espace, sa barbarie passée. Il voit des murs couler le sang. Le Festival d'Avignon et le Palais des papes l'accueillent cinq ans plus tard, en 2001. Le cœur emblématique du Festival devient alors le lieu 'expérimentations théâtrales, chorégraphiques et picturales extrêmes, le décor trouble des enveloppes humaines considérées enfin pour ce qu'elles sont, des corps liquides, semblables et dansants. Une vingtaine d'interprètes, performers, danseurs et musiciens, empoignent les tabous et les coutumes nés dans le sang. Les menstruations, la peur des stigmates, les effusions, les clichés sociaux du pur ou du mauvais sang, la castration, la mutilation. Deux ans après la création de la pièce, l'artiste recompose, réécrit, imagine une nouvelle vision de Je suis sang depuis les matériaux initiaux. Pour Jan Fabre, l'an 2003 après Jésus-Christ se situe encore au cœur du Moyen-Âge. Avec ironie, l'artiste sous-titre conte de fées médiéval son poème dramatique Je suis sang, composé en vers néerlandais traduits en français et en vers latin, cette langue qui permit longtemps à l'Église de maintenir ses fidèles dans la noirceur de l'incompréhension et d'un dévouement aveugle. Un chevalier, un tortionnaire, un chirurgien sanguinaire, entre autres figures de proue, se succèdent dans l'univers convulsif du constructeur d'images, et rappellent les heures immémoriales de la sauvagerie. Chorégraphe, écrivain, cinéaste et peintre installé à Anvers avec sa compagnie Troubleyn, Jan Fabre travaille, dit-il, à partir de sujets aux “provocations élégantes”. Les thèmes qu'il aborde et les extrémités qu'il atteint dans sa manière de les traiter produisent souvent chez ses contemporains des réactions passionnées. “Guerriers de la beauté”, Jan Fabre et ses danseurs excèdent toutes les limites du corps et de ses préjugés pour atteindre la beauté à travers une nouvelle considération de l'anatomie humaine. “Les lèvres de mes plaies se tordront / pour essayer d'articuler quelque chose / de la jouissance au-delà de la douleur / et de la curiosité de ce qui est à venir.” Dans Je suis sang, Jan Fabre crée un corps hybride, à la fois humain et animal, liquide, inexpugnable.
Distribution
mise en scène Jan Fabre
texte, mise en scène, scénographie et chorégraphie :Jan Fabre
avec :Linda Adami, Katrien Bruyneel, Annabelle Chambon, Cédric Charron, Sebastien Cneude, Anny Czupper, Els Deceukelier, Barbara De Coninck, Heike Langsdorf, Dirk Roofthooft, Dag Taeldeman, Geert Vaes (distribution en cours)
assistante :Renée Copraij
costumes :Daphne Kitschen, Jan Fabre
lumières :Jan Dekeyser, Jan Fabre
dramaturgie :Hendrik Tratsaert
Production
Production :Troubleyn (Anvers)
en coproduction avec :le Festival d'Estiu de Barcelona GREC' 2003, le Festival d'Avignon, le Melbourne Festival et deSingel (Anvers)
Avec le soutien :du programme Culture 2000 de l'Union européenne
Avec la participation :du ministère de la Communauté flamande
Jan Fabre :est “artiste en résidence” au deSingel
Texte publié par: l'Arche éditeur