Pour la Cour d'honneur du Festival d'Avignon, Jan Fabre a écrit un long poème dramatique sur le thème du sang. Un texte visionnaire selon lequel, un jour, le corps futur sera fluide : le corps des hommes de demain sera fait seulement de sang. Quand cette métamorphose se produira, la couleur de la planète changera ; elle deviendra rouge, un autre mode de vie surgira. Le corps sera donc liquide. Toutes les croyances sur le sang, le sang du Christ, le sang pur et le sang mauvais disparaîtront. Le répertoire des sentiments essentiels sera totalement différent. Alors le Moyen ge prendra fin. Car l'humanité d'aujourd'hui n'a toujours pas fait la révolution qui l'arracherait aux temps obscurs du Moyen Age.Des voix dans la nuit dessinent des images de l'homme dans le passé, le présent et l'avenir. Elles évoquent le fardeau que constitue le corps, qui est sujet à des obsessions, des fixations, de la souffrance, des maladies. Le corps déclenche les passions et, dans le même temps, les tabous sociaux qui, précisément, se rapportent au sang : blessures, menstruations, stigmates, "effusions de sang". À travers le temps, la condition humaine garde les mêmes lois physiques et les mêmes effrois. L'homme est adonné au sang, dans tous les sens du terme. Les vers se développent tels des mantras : une idée est exposée, répétée et lentement élargie. Les voix expriment le souhait de devenir uniquement du sang. D'une manière conjuratoire, il est fait abstraction de la chair et des os, pour qu'ils se transforment en une autre forme débarrassée de la douleur et de la faute, en un liquide qui pénètre la matière. Hommes et animaux occupent l'espace, le spectacle se déploie dans l'amplitude de la Cour. Un spectacle intense, un spectacle hanté par le rouge. "Je me libère de moi-même", dit une voix dans les derniers moments de la pièce. L'homme a-t-il dépassé le bien et le mal ? Est-il à présent invulnérable ? Jan Fabre a écrit en français et en latin cette fresque qui semble reprendre l'esthétique du Moyen ge mais, en réalité, la fait éclater dans un langage prophétique, une action rituelle, une gestuelle électrique et une scénographie entre ciel et terre. Les formes et les thèmes chers à l'artiste, qui est à la fois poète, metteur en scène, chorégraphe, plasticien, reviennent en écho. On retrouvera, par exemple, le chorégraphe de As long as the world need's a warrior soul, le sculpteur, le dessinateur (qui a d'ailleurs fait des séries de dessins avec son propre sang). Mais dans cette autre dimension qu'exige le corps à corps avec l'architecture et l'histoire du palais avignonnais. Une nouvelle étape dans la passion de ce "guerrier de la beauté". Conçu pour la scène du Palais des papes, Je suis sang (conte de fées médiéval) ne sera donné qu'à Avignon, et pour quatre représentations.
(texte écrit avec Hendrik Tratsaert)
Distribution
Mise en scène, scénographie & chorégraphie : Jan Fabre
assistante à la mise en scène et dramaturgie : Miet Martens
avec : Tamara Beudeker, Cédric Charron, Anny Czupper, Els Deceukelier, Lisbeth Gruwez, Erna Omarsdottir, Apostolia Papadamaki, Dirk Roofthooft, Maarten Van Cauwenberghe, Jurgen Verheyen, (acteurs, danseurs, musiciens)
costumes : Daphne Kitschen
lumière : Jan Dekeyzer, Sven Van
Kuijk
chargé de la production : Hilde
Vanhoutte
Production
Production : Troubleyn (Anvers), Festival d'Avignon et deSingel (Anvers)
En collaboration avec : Muziektheater Transparant.
Jan Fabre est « artiste en résidence » à : deSingel (Anvers)
Avec le soutien de : la Communauté flamande et de la Loterie nationale
Les textes de Jan Fabre sont édités par L'Arche Paris.