Edito

L'artiste associé de cette 66e édition est l'acteur et metteur en scène Simon McBurney. Après avoir suivi l'enseignement de Jacques Lecoq à Paris, il rentre à Londres où il fonde sa compagnie, Complicite, qui ne connaît de frontières ni géographiques ni artistiques. Chacune de ses créations est l'occasion de rassembler des collaborateurs usant de tous les médias possibles : les mots, souvent adaptés de la littérature, les corps, les gestes, les images et la musique. Ensemble, ils trouvent un langage commun en créant un théâtre iconoclaste et émouvant. Le choix de Simon McBurney d'adapter, pour la Cour d'honneur du Palais des papes, Le Maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov témoigne de son désir de mettre en scène des histoires foisonnantes, où les époques et les imaginaires s'entremêlent, et de considérer le théâtre avant tout comme un lieu d'invention et d'engagement.


Cette démarche se retrouve chez son complice, l'écrivain anglais John Berger, qui marquera aussi cette édition. Avec ses écrits, il raconte sans compromis l'homme et sa capacité d'aimer, la société et ses injustices ou encore les oeuvres d'art et leur force mystérieuse.

L'esprit de « complicité » traversera cette édition, pour laquelle nous avons convié des artistes venus de différents horizons qui, en inventant leur théâtre, nous questionnent sur ses fondements :

- un théâtre qui s'interroge sur ce qu'est une forme contemporaine, avec des textes du répertoire revisités par Arthur Nauzyciel ou Stéphane Braunschweig, des textes écrits aujourd'hui par Guillaume Vincent ou Christophe Honoré, dont une autre pièce sera mise en scène par Éric Vigner, des performances théâtrales comme celle proposée par le groupe Forced Entertainment ;

- un théâtre en prise avec le réel pour parler des dérives des systèmes financiers avec Nicolas Stemann ou Bruno Meyssat, des violences politiques en Colombie avec le Mapa Teatro, au Liban avec Lina Saneh et Rabih Mroué, aux frontières de l'Europe avec Fanny Bouyagui, mais aussi du risque écologique avec Katie Mitchell ou Thomas Ostermeier qui met en scène Henrik Ibsen ;

- un théâtre où la musique nourrit tout autant la dramaturgie que les mots et les images, comme chez Christoph Marthaler, William Kentridge, la compagnie 1927 ou Séverine Chavrier ;

- un théâtre qui puise sa force narratrice dans la littérature contemporaine, que ce soit celle de J. M. Coetzee pour Kornél Mundruczó, de David Peace pour Jean-François Matignon ou encore d'Elfriede Jelinek, de W. G. Sebald ou du Nouveau Roman ;

- des pièces inspirées des arts visuels et de la performance, offrant des moments d'expérience sensible inédits comme chez Markus Öhrn, Romeo Castellucci, Steven Cohen, Jérôme Bel et Romeu Runa, ou encore l'exposition de Sophie Calle ;

- des pièces trouvant dans le corps et la chorégraphie le moyen de réfléchir à ce qui nous rassemble et nous distingue comme avec Sidi Larbi Cherkaoui, Josef Nadj, Olivier Dubois, Régine Chopinot, Nacera Belaza ou La Revue Éclair.

Ces artistes cherchent à faire de la représentation un espace de risque et de partage. Sans doute est-ce aussi ce qui conduisit Jean Vilar à inventer dès 1947 son propre théâtre dans la Cour d'honneur du Palais des papes, puis, après avoir arrêté de mettre en scène au milieu des années 60, à y inviter d'autres artistes audacieux, souvent éloignés de sa propre esthétique. Nous célébrerons le centième anniversaire de sa naissance avec un spectacle de la compagnie KompleXKapharnaüM, et avec la Maison Jean Vilar.

Le croquis qui figure sur la couverture de cet avant-programme est issu d'un cahier de répétitions de l'artiste William Kentridge. Il nous évoque le courage qu'il faut pour construire librement une pensée et prendre la parole pour l'exprimer. Nous souhaitons que, cet été encore, le Festival soit un lieu où cette liberté puisse s'exercer, pour les artistes comme pour les spectateurs.

Nous vous y attendons.


Hortense Archambault et Vincent Baudriller
directeurs
Avignon, le 5 mars 2012

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