Ce texte date de 1995, c'est le dernier que j'ai écrit pour le théâtre. Nous avons rompu, depuis, lui et moi. Mais, rassurez-vous, il n'y a aucune amertume, aucune rancœur dans ces quelques lignes. Il s'agit simplement d'un rendez-vous manqué ou différé, voilà tout. Mes textes n'ont eu que peu d'écho. Une question de moment, de rencontre, je ne sais pas. Je voulais pratiquer un théâtre politique. Ainsi Au jour le jour et Route 33 évoquaient la montée du Front National, Chômeurs longue durée traitait du... Bravo, vous avez gagné ! et Campagne électorale se déroulait dans une banlieue que tentait de conquérir un homme de droite ressemblant étrangement à un certain M. Schuller et cela bien avant l'affaire qui l'a rendu célèbre. Mais ces sujets n'intéressaient pas grand monde. Encore une fois question de moment, de rencontre ou peut-être aussi de traitement. Je voulais vivre de ma plume, ce que j'ai pu faire en devenant scénariste pour la télévision. Inhumain est donc ma dernière tentative juste avant de passer à l'ennemi. C'est un texte impudique parce qu'il fait appel à quelques souvenirs d'enfance, à quelques expériences personnelles. S'il y a un sujet central dans mon travail, c'est celui de la perte de l'innocence, la perte des illusions. Mes « héros » sont toujours des individus qui implosent à force d'humiliations, d'échecs, de rejets et qui deviennent parfois des monstres indifférents. J'ai envie encore et toujours d'évoquer ces hommes et ces femmes qui perdent le respect d'eux-mêmes, l'envie de se battre, de croire en un avenir. S'ils me hantent, c'est que j'aurais pu être l'un d'entre eux et cela ne s'oublie pas
Stéphane Keller
Distribution
lu par : Didier Sandre
proposé par : Jean-Michel Ribes, administrateur théâtre de la Sacd
Production
Coproduction : Sacd, Festival d'Avignon
Lecture enregistrée par : France Culture