Lumière blême. Il se réveille, les bras en croix. Autour, deux blouses blanches recousent ses poignets. Il se voit comme le Christ mais ça ne fait rire que lui. Il en est là, précisément, le jeune homme au bras sanglants, à n'être que le passager transitoire d'une blessure qu'il s'inflige. Il se coupe, on le recoud. A l'hôpital, en liberté, des météores meurtriers : le père et la mère noyés dans leurs antipodes. Elle qui n'en peut plus de cette chair de sa chair qui s'entaille, et lui qui ne peut tellement rien. Il y a le médecin, lui, il a vraiment du travail. Soustrait à cette bonne marche du monde, le jeune homme veut seulement qu'on le ramasse. Qu'on le porte, pas forcément d'ici à là, mais de lui tombé à lui debout, à lui tenu. On pourrait croire qu'il n'a jamais fait que cela : se rater. Rater sa chute. Rater sa traversée morbide des petites choses qui défont la vie, plutôt celle des autres. A son bras, le nom d'une femme qu'il n'a pas connue, Clémence. Dans sa mort à elle, il se vautre et semble adorer ça. Rien d'autre, pas plus. Les parents se déchargent du cas médical - leur enfant qui se coupe - et le jeune homme intègre une cellule verte d'H.P. Il croyait rencontrer Hamlet et Sarah Kane. Mais non. Ca ne sent que le propre et le vieux pain. Il retrouve un fantôme, la tante au nom de Clémence, suicidée il y a bien trente ans. Un savon à passer : "Petit con" dit-elle. D'autres rencontres, là, et peut-être qu'il grandit, apprivoise ses dragons minuscules, apprend à réorienter ses communes facultés de monstre. Détruire ailleurs pourquoi pas. Il faut bien passer le temps et devenir quelqu'un. Alors la chambre se referme, comme la plaie.
Pierre Notte
Distribution
lu par: Jacques Gamblin
proposé par : Jean-Michel Ribes, administrateur théâtre de la Sacd
Production
Coproduction : Sacd, Festival d'Avignon
Lecture enregistrée par : France Culture
Aux éditions : Avant-Scène Théâtre. Collection Les quatre vents.