Dans les carnets qui accompagnent l'édition de la pièce, Bernard-Marie Koltès semble prêter au personnage de Léone un souvenir personnel lors de son voyage au Nigeria en 1978 : dès sa descente d'avion, elle aperçoit "sur une rivière, un groupe d'éperviers noirs perchés sur un corps gonflé, obèse, déjà blanc de décomposition, qui flotte doucement." Ce face-à-face avec un mort à la dérive, dès ses premiers pas sur la terre d'Afrique, a dû impressionner Koltès. C'est peut-être là le vrai point de départ de l'œuvre. La vision du carnet se transforme dans la pièce en obsession. Plus le cadavre est absent, plus il pourrit la vie des survivants, plus il tient à la gorge les deux petits blancs du chantier, Horn et Cal, affolés : comment se débarrasser de ce qu'on a déjà perdu ? Une interminable nuit s'étire, formant à la fois l'unité de temps et de lieu. Tous ces noirs qui ont disparu, Cal croit les voir partout. L'invisible avale et recrache : ce qui a disparu prolifère à l'abri du regard. Progressivement l'épaisseur de l'obscurité prend de plus en plus de consistance : figure imprévisible et opaque, la nuit souffle, crie, chuchote, s'exprime avec du vent, de la poussière, des nuées d'insectes, des éclairs, de la pluie. Comme chez Michaux, "La nuit remue". Voilà enfin le visage de l'Afrique, impossible à dévisager. La mise en scène de Jacques Nichet engage le "combat" dans une Afrique qui ne s'apparente plus tout à fait à un lieu du globe : on est à "l'envers du monde". Extrait de Combat de nègre et de chiens, scène VI, p. 42-44, Ed. de Minuit, 1989. La pièce a été créée en 1983 à Nanterre, dans une mise en scène de Patrice Chéreau.
Distribution
mise en scène Jacques Nichet
avec : Alain Aithnard (Alboury), François Chattot (Horn), Loïc Houdré (Cal) et Martine Schambacher (Léone)
scénographie : Laurent Peduzzi
lumière : Marie Nicolas
environnement sonore : Bernard Vallery
voix-conception : Georges Baux et Abdel Sefsaf
voix-interprétation : Alain Aithnard, M'Baye Mame Cheikh, Denis Mpunga, Boubacar Ndiaye et Abdel Sefsaf
costumes : Nathalie Prats-Berling
maquillage : Sophie Niesseron
assistants à la mise en scène : Guillaume Delaveau et Célie Pauthe
directeur technique : Pierre Crousaud
régie générale : Celso Domeque
régie plateau : Christophe Gagey
machinistes : Jacques Escoffet, Didier Salvan
régie lumière : Georges Corsia
régie son : Aline Loustalot
régie costumes : Nathalie Trouvé et Chantal Bouglon
chef constructeur : Claude Gaillard
peinture :Nelly Barillot, Nathy Thibaudeau, Emily Battersby et Isabelle Roudière
constructeurs : Jacques Escoffet, Jean-Marie Baudean, François Doutreleau, Philippe Contri, Olivier de Ferluc, Didier Salvan
Production
création : janvier 2001 au Théâtre national de Toulouse
coproduction : TNT-Théâtre national de Toulouse Midi-Pyrénées, Théâtre de la Ville - Paris