Et si Justine et Juliette étaient la même personne ? Et si la vertu de l'une et le cynisme de l'autre n'étaient que l'envers et l'endroit d'une seule âme ? Tel est le pari du montage de Raphaël Enthoven qui, s'appuyant sur Justine ou les Malheurs de la vertu et L'Histoire de Juliette ou les Prospérités du vice, met en dialogue deux visions du monde qui sont aussi deux dispositions du caractère. À ces deux figures, il fallait un seul visage qui donnât à la discussion entre le vice et la vertu l'ampleur d'un dialogue intérieur : qui mieux qu'Isabelle Huppert pouvait accomplir une telle performance ? Alternant à l'envi les péripéties et les considérations philosophiques de ces romans picaresques et théoriques à la fois, entremêlant le récit d'orgies atroces et la vaine ferveur des prières,le montage donne au talent d'Isabelle Huppert l'occasion d'incarner simultanément, comme le combat du jour et de la nuit, celle qui souffre et celle qui jouit. Justine est vertueuse, croit en un Dieu qui l'a délaissée, et dispose d'un corps que d'innombrables outrages ne parviennent pas à souiller. Juliette est affreuse – ou joyeuse –, ne croit qu'en son plaisir et constate que, quand on lui ressemble, on est heureux...Qui choisir ? Qui préférer ? Faut-il préférer la vertu qui souffre au crime qui paie ? Faut-il haïr un ciel vide ? Et surtout : vaut-il mieux subir l'injustice que la commettre ?
"Juliette et Justine, le vice et la vertu", extraits
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