Les histoires de migrations intéressent Fanny Bouyagui depuis longtemps. Il y a quelques années, l'artiste roubaisienne rencontre à Calais des migrants afghans, kurdes, irakiens qu'elle décide de photographier. Les images de ces hommes, coincés entre la ville et le port, sont présentées en regard de la mobilité des artistes qu'elle accueille pendant le Festival Name, dédié aux musiques électroniques. Mais sa propre histoire l'invite à se tourner aussi vers l'Afrique. En effet, cinquante ans plus tôt, son père a entrepris le voyage du Sénégal vers la France, comme tant de jeunes gens aujourd'hui. Pourquoi sont-ils prêts à tout pour venir en Europe, où personne ne les attend, alors même que les perspectives y sont nettement plus dures qu'auparavant ? L'artiste est partie à Agadez, au Niger, où les futurs migrants préparent leur voyage. Elle y a mené l'enquête, fait des photographies, réalisé des entretiens et collecté tout ce qui lui paraissait significatif. Cette somme de documents constitue le matériau du premier volet de l'exposition Soyez les bienvenus. Un an plus tard, se demandant ce que ces hommes et ces femmes sont devenus, Fanny Bouyagui part à leur recherche. Photos à l'appui, elle se rend en Italie, à la station balnéaire de Castel Volturno. C'est là qu'aboutit le parcours migratoire classique de l'époque : départ d'Agadez, camion, désert, Libye, bateau, Italie du sud, et enfin Castel Volturno, ville de transit durable après les camps de Lampedusa. Durant plusieurs séjours, elle observe et tente de comprendre le fonctionnement de cette cité contrôlée par la mafia, où les Africains peuvent certes séjourner sans difficulté, mais où ils sont aussi exploités et brisés. Une enclave où la loi ne vaut plus, pour le meilleur – la tranquillité – et pour le pire – prostitution, violence et corruption généralisée. Dans la continuité de son travail, Fanny Bouyagui a rapporté avec elle les récits de ces destins entravés, des images de cette ville poubelle et prison, dont les migrants ne parviennent pas à s'échapper. Parce qu'il faut continuer à envoyer de l'argent et qu'un retour au pays, souvent désiré, passerait pour un abandon. Sans pathos ni sensiblerie, Fanny Bouyagui nous plonge dans une réalité qui, bien qu'à nos portes, est souvent ignorée. Un projet documentaire précis et empathique, dont la puissance est décuplée par un travail plastique monumental, qui transforme la visite de l'exposition elle-même en traversée. RB
Distribution
conception Fanny Bouyagui
Production
production Art Point M
coproduction Festival d'Avignon, Les Champs Libres Rennes Métropole, Lille 3000
avec le soutien du Conseil général du Nord, de la Région Nord-Pas de Calais Réseau LEAD, de la Ville de Lille et de la Ville de Roubaix