À quoi reconnaît-on un chef-d'œuvre ? Sans doute par le fait qu'il soit joué et rejoué, année après année, parce qu'il excite toujours la curiosité des artistes qui s'en emparent et celle des spectateurs qui viennent le réentendre, ses questionnements apparaissant encore d'actualité. La Mouette demeure dans l'Histoire, elle est toujours active et sans doute toujours nécessaire et unique. Elle l'est évidemment pour Arthur Nauzyciel qui a voulu la faire entendre dans la Cour d'honneur du Palais des papes, lieu devenu emblématique de la pratique artistique du théâtre, mais aussi lieu historique d'une aventure spirituelle bimillénaire. Cette pièce qui parle, selon les mots du metteur en scène, «d'art, d'amour et du sens de nos existences», écrite à la fin de ce XIXe siècle qui se meurt sans bien imaginer ce que sera le XXe pourtant si proche, est aussi hantée de souvenirs, de mélancolie, de ruines et d'espérance. Foi en l'art, attente d'un amour réciproque, ces sentiments ne résisteront pas à la réalité d'un monde où la mort rôde, celle des mouettes abandonnées au bord des lacs et celle des artistes idéalistes qui, comme Tréplev tentant de rêver un autre théâtre, sont brutalement rejetés. Ce qui pourrait n'être qu'un mélodrame construit autour d'une sarabande d'amours impossibles – puisque personne n'aime celui qui l'aime –, devient un bal funèbre et métaphysique, une véritable parabole sur la condition de l'homme. Arthur Nauzyciel souhaite donc une nouvelle fois « parler pour ressusciter les morts », persuadé que l'auteur Anton Tchekhov «console les âmes» comme le docteur Tchekhov sauvait les corps souffrants. En retraversant La Mouette, il y croisera des spectres, ceux de l'écrivain russe, mais aussi Hamlet ou les héros de L'Orestie, venus témoigner du lien avec le passé, pour construire un théâtre qui se fait au présent, un théâtre de l'impérieuse nécessité. JFP
«Je l'écris non sans plaisir, même si je vais à l'encontre de toutes les lois de la scène» : c'est ainsi qu'Anton Tchekhov (1860-1904) décrit en 1895 à son ami Souvorine la pièce qu'il est en train d'écrire. La Mouette sera la première des grandes pièces du dramaturge russe et scellera le début de sa collaboration avec Stanislavski et Nemirovitch-Dantchenko. Après un échec lors de sa création à Saint-Pétersbourg, elle connaîtra un immense succès lorsqu'ils la mettront en scène au Théâtre d'art de Moscou en 1899. Suivront Oncle Vania, Les Trois Sœurs et La Cerisaie qui parachèveront l'aura de ce médecin de formation qui a sondé, comme personne, le tragique de nos existences et compte aujourd'hui parmi les auteurs les plus joués au monde.
Distribution
mise en scène et adaptation Arthur Nauzyciel
traduction André Markowicz, Françoise Morvan
scénographie Riccardo Hernandez
lumière Scott Zielinski
chorégraphie Damien Jalet
musique Winter Family, Matt Elliott
son Xavier Jacquot
costumes José Lévy
masques Erhard Stiefel
avec Marie-Sophie Ferdane de la Comédie-Française, Xavier Gallais, Vincent Garanger, Benoit Giros, Adèle Haenel, Mounir Margoum, Laurent Poitrenaux, Dominique Reymond, Emmanuel Salinger, Catherine Vuillez
et les musiciens Matt Elliott ainsi que Ruth Rosenthal et Xavier Klaine (Winter Family)
Production
production Centre dramatique national Orléans/Loiret/Centre
coproduction Festival d'Avignon, Région Centre, CDDB-Théâtre de Lorient Centre dramatique national, Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines Scène nationale, Maison des Arts de Créteil, Le Parvis Scène nationale Tarbes Pyrénées, Le Préau Centre dramatique régional de Basse-Normandie Vire, Le phénix Scène nationale de Valenciennes, Théâtre national de Norvège, Maison de la Culture de Bourges Scène nationale et France Télévisions
avec le soutien de l'Institut français et de la Ville d'Orléans
Par son soutien, l'Adami aide le Festival d'Avignon à s'engager sur des coproductions.