avec Régis Debray philosophe
Nous vivons, dit-on, une époque désenchantée. Pourtant, du bouddhisme hollywoodien aux nouveaux fondamentalismes, le feu sacré ne semble pas éteint. Pour ceux qui en douteraient, la mort de Jean-Paul II, dont le traitement médiatique a surpris, bouleversé ou agacé, a rappelé la persistance du “religieux” au cœur d'une Europe d'où les dieux et les prêtres semblaient s'être retirés. Les faits sont têtus, et le fait religieux est bien là, même s'il tend souvent aujourd'hui à prendre le visage du fétichisme de la marchandise. “En clair, l'Invisible n'est pas près de nous lâcher”, écrit Régis Debray (Les Communions humaines, Fayard, 2005). Mais d'où vient la persistance de cet invariant anthropologique qui, quelles que soient ses variations historiques, pousse les hommes vers le transcendant ? Où va se nicher, dans une terre déchristianisée, le besoin de sacré ? Comment la République peut-elle encore faire communauté ? Qu'est-ce que la religion ? Est-ce toujours le terme adéquat qui permet de recouvrir la bigarrure spirituelle contemporaine, des rituels et symboles maçonniques aux religions politiques (du nazisme au communisme jusqu'à la religion des Droits de l'homme), des grandes messes sportives aux communions ritualisées de la Shoah ? Souvent en marge des courants de pensées dominants, Régis Debray interroge depuis un quart de siècle ce qu'il est convenu d'appeler le “fait religieux”. Et démontre que le sacré est une des voies d'accès au profane, l'imaginaire une porte d'entrée dans le réel. Sans sectarisme ni prosélytisme, Régis Debray propose ici de renoncer au mot de “religion” pour mieux saisir toutes les facettes des communions humaines contemporaines.