Christoph Marthaler a su fondre sa culture dramaturgique et musicale en un théâtre choral burlesque et radical. Hautboïste de formation, il débute avec des spectacles d'inspiration dadaïste, explore les peurs des contemporains ou joue avec les lieder de Schubert. C'est avec son légendaire requiem pour la RDA Murx den Europäer ! Murx ihn ! Murx ihn ! Murx ihn ab ! (Flingue l'Européen ! Flingue-le !...) que ce metteur en scène suisse, actuel directeur du Schauspielhaus de Zurich, accède à la reconnaissance internationale, avec un théâtre souvent conçu comme une partition polyphonique réglée comme du papier à musique, dans lequel une armée de Godots universels joue son humanité dans les salles d'attente et les cafés.
Groundings, une variante de l'espoir
C'est l'histoire drôle d'un naufrage, d'un atterrissage forcé (grounding). Celui d'une compagnie d'aviation, celui de toute une société, de toute une civilisation. À travers la faillite de la Swissair, fleuron et fierté d'un pays surprotégé, un monde s'effondre et refuse de se l'avouer. C'est aussi l'histoire d'un télescopage : au moment où se jouait ce drame social et national qui fit vaciller la Suisse sur ses fondations, Christoph Marthaler était menacé de limogeage par son conseil d'administration. Le directeur d'une des plus stimulantes scènes d'Europe eut l'impression de vivre en modèle réduit le crash de la Swissair. Retrouvant ainsi la fonction cathartique du théâtre, cette libération et purgation des passions permises par la représentation, Christoph Marthaler composa cette farce caustique et musicale. Des managers se gargarisent de l'esperanto administratif des cadres de la nouvelle économie, jouent, assis sur des sièges éjectables, la comédie des stratégies d'entreprise. Dans la neutralité feutrée du marché, on rationalise à tout va, on loue des comédiens comme des réacteurs, on efface les dettes en proposant aux salariés de travailler un mois en toute gratuité. Sur fond d'airs populaires, le monde de l'art se mêle à celui du dollar, des entrepreneurs reprennent en chœur le jargon d'une philosophie de bazar, ridiculisent un monde de transaction, aussi solide qu'un décor en carton-pâte. Un chant revient, comme les musiques d'ascenseur de nos modernes haut- parleurs : “la chanson de la Bérézina”...
Distribution
un projet de : Christoph Marthaler, Stefanie Carp et Anna Viebrock
mise en scène : Christoph Marthaler
avec : Peter Brombacher, Jean-Pierre Cornu, Ueli Jäggi, André Jung, Jürg Kienberger, Bernhard Landau, Matthias Matschke, Karin Neuhäuser, Josef Ostendorf, Sebastian Rudolph
scénographie et costumes : Anna Viebrock
musique : Jürg Kienberger, Christoph Marthaler
dramaturgie : Stefanie Carp
lumières : Herbert Cybulska
assistant à la mise en scène : Ingo Berk
Production
production : Schauspielhaus Zürich
avec le soutien de : Pro Helvetia, Fondation suisse pour la culture