avec
Bernard Lahire et Bernard Stiegler
Le développement sans précédent de l'industrie et de la consommation culturelle, qui connecte simultanément des millions de personnes devant la télévision, les consoles de jeu ou les nouvelles technologies de l'information, estompe-t-il le “triomphe de l'individu” partout proclamé, rogne-t-il la capacité souveraine des êtres à décider librement de leur mode de vie ? Les classes sociales induisent-elles mécaniquement des comportements culturels ? L'individualisme règne-t-il en maître ? Lors d'un dialogue entre un philosophe, Bernard Stiegler, pour qui “la canalisation de la libido des consommateurs vers des objets de consommation” constitue un puissant moyen de contrôle, et un sociologue, Bernard Lahire, qui démontre que la cohérence culturelle des individus – capables, comme Jean-Paul Sartre, de passer de la lecture de Heidegger aux westerns télévisés, ou, comme Ludwig Wittgenstein, de se passionner pour les baraques foraines et la logique formelle – est un leurre, c'est une des questions centrales de la modernité qui sera ici posée. Car les inégalités d'accès à la culture n'ont pas disparu, mais elles ne recouvrent pas ou plus les schémas convenus. Enquêtes à l'appui, Bernard Lahire montre que les individus présentent des “profils dissonants” et que la frontière entre l'art et le divertissement, la “haute culture” et la “sous-culture” ne recouvre plus le champ des pratiques des contemporains. À partir de son expérience individuelle, d'une critique philosophique de la technologie et de l'étude incarnée des pathologies sociales, Bernard Stiegler considère que la société hyper-industrielle provoque une misère symbolique et individuelle préoccupante. Alors que l'idéologie du mythe de l'individu libre de disposer de lui-même semble triompher, une discussion destinée à combattre les idées reçues.