Été 2001, Ariane Mnouchkine visite le centre de Sangatte, enregistre les témoignages de réfugiés, leurs histoires intimes, leurs tragédies familiales. En tournée australienne avec le spectacle Tambours sur la digue, elle visite quelques mois plus tard un camp de Sydney, puis part pour l'Indonésie et rejoint la Nouvelle Zélande, consignant les récits de réfugiés afghans, iraniens, irakiens ou kurdes. Peu à peu, la centaine d'heures d'enregistrements constitue le matériau initial du Dernier Caravansérail (Odyssées). “Ceux qui ne sont pas rentrés au pays, ni vivants ni morts, errent longtemps par toute la terre” écrit Hélène Cixous. “Et nous, assis dans nos pays relativement modérés, qui sommes-nous ? leurs semblables ? leurs témoins ? leurs ennemis ? leurs amis ? D'anciens voyageurs qui ont oublié ? Ou des gens que le voyage attend au tournant ?” À la tête du Théâtre du Soleil depuis bientôt quatre décennies, Ariane Mnouchkine réunit aujourd'hui trente-cinq comédiens, dont douze nouveaux venus, dans une création collective. Au fil d'improvisations, les artisans du Soleil s'emparent des figures des clandestins, des migrants et autres victimes de la guerre. Ils empoignent la barbarie pour en faire l'objet d'étude d'un théâtre ardent. Ariane Mnouchkine leur demande alors de se laisser traverser par les images, les sensations. Le rapport entre les récits des réfugiés et les improvisations des comédiens semble immédiat. Ariane Mnouchkine ne leur fait encore rien entendre des témoignages pour préserver “la liberté de création” des interprètes. Après les improvisations, pourtant, les entretiens enregistrés viennent souvent confirmer les intuitions des acteurs. Le Dernier Caravansérail se construit ainsi collectivement autour de la maîtresse d'œuvre, dont le rôle n'est plus, dit-elle, que de “laisser s'exprimer l'acteur créatif”. Le Dernier Caravansérail déploie la fresque colossale des exils que produisent les temps de guerre. Après la Ville parjure ou le Réveil des Erynies, Et soudain des nuits d'éveil, ou encore Tambours sur la digue, Ariane Mnouchkine et les siens reprennent les armes de la poésie pour interroger les responsabilités d'un monde qui ignore ses marginalisés. “Le théâtre, comme l'art, dit Ariane Mnouchkine, fait partie de ces endroits qui peuvent rendre le monde meilleur, comme une orangeraie rend le monde meilleur. Vous rappelez-vous ce qu'ont fait les Afghans quand la première ville a été libérée ? Ils ont aussitôt diffusé de la musique et des chansons à la radio. On tirait dans tous les coins, les hommes commençaient à se raser, on espérait la liberté pour les femmes aussi, il fallait qu'il y ait des chansons à la radio... Ce sont ces petites histoires qui constituent le Dernier Caravansérail...”
Distribution
un spectacle de :Shaghayegh Beheshti, Duccio Bellugi-Vannuccini, Virginie Bianchini, Charles-Henri Bradier, Sébastien Brottet-Michel, Juliana Carneiro da Cunha, Hélène Cixous, Virginie Colemyn, Olivia Corsini, Delphine Cottu, Eve Doe-Bruce, Maurice Durozier, Sarkaw Gorany, Astrid Grant, Emilie Gruat, Pascal Guarise, Jeremy James, Marjolaine Larranaga y Ausin, Jean-Jacques Lemêtre, Sava Lolov, Elena Loukiantchikova-Sel, Maïtreyi, Vincent Mangado, Jean-Charles Maricot, Judith Marvan Enriquez, Stéphanie Masson, Fabianna Mello e Souza, Ariane Mnouchkine, Serge Nicolaï, Seietsu Onochi, Nicolas Sotnikoff, Andreas Simma, Mathieu Rauchvarger, Francis Ressort, Edson Rodrigues, David Santonja-Ruiz, Koumarane Valavane
musique :Jean-Jacques Lemêtre
espace :Guy-Claude François
décors :Serge Nicolaï, Duccio Bellugi-Vannuccini
peintures et teintures: Didier Martin, Ysabel de Maisonneuve
costumes: Marie-Hélène Bouvet, Nathalie Thomas, Annie Tran
Production
Un spectacle du :Théâtre du Soleil
en coproduction avec: la Ruhrtriennale (Allemagne)
Avec l'aide :du Festival d'Avignon