Pour certains des spectateurs fidèles du Festival, Avignon a été la première rencontre qu'ils ont faite avec le théâtre ou la danse. Pour les plus jeunes, cela reste une découverte, une « première fois ». Au fil des générations, le public s'est à la fois diversifié et élargi, au point de ne plus avoir parfois les mêmes références théâtrales. Or le théâtre vit de souvenirs, de ceux en tout cas que l'on souhaite partager et transmettre.
C'est pourquoi cette 49° édition met délibérément l'accent sur trois « reprises », à voir ou à revoir. Car les trois personnalités qui les ont conçues, Ariane Mnouchkine, Pina Bausch et Jérôme Deschamps, ont toutes créé une référence, un mouvement du public autour d'elles.
Le Festival n'en reste pas moins un festival de création, puisqu'une vingtaine de productions nouvelles y sont proposées. Certaines empruntent au cinéma, en cette année de son centenaire, en portant à la scène des scenarii. Fassbinder et Pasolini ont tous deux marqué l'Europe de leur empreinte, qu'il s'agisse de littérature, de théâtre ou de cinéma. D'autres voix disparues de ce siècle seront réentendues : Samuel Beckett, Bruno Schulz, Daniil Harms, Abdelkader Alloula. Sans oublier la silhouette muette de Kantor. Mais le Festival n'a pas omis de faire sa place aux auteurs de maintenant, de Valère Novarina à Olivier Py, de Suzanne Joubert à Enzo Cormann, sans vouloir les citer tous.
Il est vrai aussi que la danse est à l'honneur, cette année, au Palais des Papes. Juste hommage à un art qui a fait d'Avignon un des plus anciens festivals de danse, depuis que Vilar y invitait Béjart, il y a près de trente ans. Mais qu'on se rassure: le théâtre garde aussi toute sa place, avec vingt sept pièces représentées.
Enfin, comme en 1992 pour l'Amérique latine, en 1994 pour le Japon, le Festival met l'accent sur un pays non-européen : l'Inde, dix ans après la mémorable création du Mahabharata par Peter Brook. Car il reste tant à voir de ce continent, pour qui d'ailleurs théâtre, danse et musique sont si étroitement liés. Ce sont des spectacles inédits que la plupart des 120 artistes indiens invités présenteront au public d'Avignon
Nous exprimons donc cette année un triple souhait :
faire partager au plus large public possible certaines des plus marquantes références du théâtre et de la danse,
mêler théâtre, danse et musique pour le même public, et non recloisonner ce qui procède des mêmes sources,
donner leur place à des productions étrangères (18, en l'occurrence) qui enrichissent notre imaginaire à tous.
Bon festival, théâtral et chorégraphique, français et étranger, aux initiés comme aux nouveaux venus.
Bernard Faivre d'Arcier
du 7 au 30 juillet 1995
Nous remercions l'équipe BNF (Bibliothèque nationale de France) de la Maison Jean Vilar pour le versement des données de la période 1947-1998.