Stanislas Nordey
C'est en 1988 que le public découvre le metteur en scène Stanislas Nordey, lorsqu'il présente dans le Off sa version de La Dispute de Marivaux. Auparavant, il a été élève comédien dans le cours de théâtre dirigé par sa mère Véronique Nordey, puis au Conservatoire national supérieur d'Art dramatique de Paris. Il crée ensuite la Compagnie Nordey, avec laquelle il devient artiste associé au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis, entre 1991 et 1995, avant de rejoindre, avec ses douze comédiens, le Théâtre Nanterre-Amandiers à l'invitation de son directeur Jean-Pierre Vincent. En 1998, il revient comme directeur au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis, avant de rejoindre en 2001 le Théâtre National de Bretagne pour y être, durant dix ans, artiste associé et responsable pédagogique de l'école installée entre ses murs. Stanislas Nordey est aussi un citoyen engagé depuis longtemps sur les questions sociales et politiques, comme lorsqu'il soutient le mouvement des sans papiers qui occupaient l'église Saint-Bernard à Paris en 1996. À travers ce parcours institutionnel et militant, on distingue les grands axes de l'engagement de Stanislas Nordey dans le théâtre public français : un goût prononcé pour le collectif, un désir profond pour les textes dramatiques, classiques ou contemporains, un devoir de transmission, la volonté de mettre l'acteur au cœur de la représentation. Sur le plateau, c'est la parole de l'auteur qui doit traverser le corps de l'acteur, qui doit l'animer dans sa gestuelle même, le décor n'étant qu'un cadre dépouillé accompagnant le travail des interprètes. Paroles diverses, mais toujours paroles fortes, paroles des grands poètes dramatiques, Pasolini, Genet, Koltès, Müller, Stramm, Feydeau, Shakespeare, Pirandello, mais aussi celles des contemporains Gabily, Lagarce, Martin Crimp, Wajdi Mouawad, Fausto Paravidino, Falk Richter et, plus récemment, celle d'Anja Hilling. C'est à leur service que se mettent Stanislas Nordey et ses comédiens pour offrir des lectures ouvertes qui laissent aux spectateurs la liberté de construire leur propre vision de la pièce. Revendiquant un théâtre du « divertissement de la pensée », Stanislas Nordey s'inscrit dans la lignée de Jacques Copeau, Charles Dullin ou Gaston Baty, regrettant de ne pas avoir vraiment connu Antoine Vitez, dont il se sent proche en lisant ses écrits sur le théâtre d'art et la pédagogie. Son choix de l'auteur Peter Handke pour la Cour d'honneur du Palais des papes s'inscrit dans la continuité d'un théâtre qui touche à l'intime, mais au travers duquel on perçoit un état critique du monde et un engagement politique, dans le sens militant du terme. Un théâtre sans nostalgie, souvent irrévérencieux, qui ne se laisse pas enfermer dans les diktats de modes successives. Un théâtre qui ne refuse pas de troubler le spectateur, de le déranger, lui demandant d'accepter l'idée que la compréhension ne soit pas immédiate, que le chemin à l'intérieur d'une œuvre soit parfois plein de méandres. Pour Stanislas Nordey, chaque spectacle est une aventure où le risque est essentiel. Le Festival d'Avignon a produit ou accueilli plusieurs de ses pièces : Vole mon dragon d'Hervé Guibert en 1994, Contention-La Dispute de Didier-Georges Gabily et Marivaux en 1997, Das System de Falk Richter en 2008 avec qui il créera, en 2010, My Secret Garden, pièce dans laquelle il sera aussi acteur comme il l'a été dans Ciels de Wajdi Mouawad en 2009 et dans Clôture de l'amour de Pascal Rambert en 2011.
JFP, avril 2013.