Katie Mitchell & Leo Warner / Schaubühne Berlin
Se méfiant de l'insularité, la metteuse en scène britannique Katie Mitchell s'est très tôt confrontée à l'Europe continentale, avec une prédilection forte pour la Russie, les pays scandinaves et l'Allemagne. Après une première mise en scène à l'âge de seize ans, elle lance sa compagnie, Classics On A Shoestring (Des classiques à petit prix), un paradoxe quand elle sera associée à la Royal Shakespeare Company, puis au National Theater, deux des principales institutions dramatiques du Royaume-Uni. La presse lui a fait une réputation de « dépoussiéreuse de classiques » qu'elle n'honore pas qu'à demi, en s'attaquant radicalement à Euripide, Eschyle ou Strindberg, avant de recevoir le renfort de Martin Crimp, qui réécrira pour elle La Mouette de Tchekhov ou Maladie de la jeunesse de Bruckner. Le tandem Mitchell-Crimp produira encore deux autres pièces : Atteintes à sa vie et La Ville. Car amoureuse des classiques, Katie Mitchell n'en est pas moins sensible aux textes contemporains. De 2000 à 2004, elle sera d'ailleurs associée au Royal Court, lieu d'émergence de nouvelles écritures, où elle montera notamment Wastwater de Simon Stephens. Sa rencontre avec le vidéaste Leo Warner conduit à une évolution radicale de ses mises en scène qu'elles soient musicales (Al gran sole carico d'amore, une « action scénique » de Luigi Nono), opératiques (elle a été l'invitée du Festival de Salzbourg) ou en prose, avec l'adaptation du roman de Virginia Woolf, Les Vagues. Mais c'est peut-être dans Christine, d'après Mademoiselle Julie, d'après l'oeuvre de Strindberg, que l'on mesure le mieux la force de son théâtre filmé, où le cinéma vient éclairer, en un geste hautement concerté, les zones laissées obscures au théâtre. Katie Mitchell et Leo Warner viennent pour la première fois au Festival d'Avignon, avec cette pièce produite pour la troupe de la Schaubühne Berlin, l'une des plus prestigieuses institutions théâtrales allemandes.
JLP, mai 2011.