Jalila Baccar & Fadhel Jaïbi
Jalila Baccar et Fadhel Jaïbi se croisent pour la première fois il y a quarante ans, dans le Sud tunisien à la limite du Sahara. Elle est comédienne et deviendra par la suite auteure dramatique ; lui, auteur et metteur en scène, revient de Paris où il a parachevé des études universitaires à la Sorbonne. De leur rencontre et de celle d'un groupe d'artistes indépendants naît en 1976 une première compagnie, Le nouveau théâtre de Tunis, qui deviendra Familia Productions quelques années plus tard, avec le développement d'une activité cinématographique. C'est l'époque du président Bourguiba. Le régime du leader de l'indépendance tunisienne alterne périodes autoritaires et périodes plus libérales, qui permettent à la compagnie de travailler dans l'ensemble du pays. Jalila Baccar et Fadhel Jaïbi sont toujours parvenus à organiser des tournées de leurs spectacles, dont l'accès est facilité par l'utilisation de toutes les langues parlées en Tunisie : arabe littéraire, arabe dialectal urbain, bédouin et français. Cette volonté de pouvoir être compris par toutes les couches de la société se retrouve dans les axes de travail qu'ils se sont fixés. Proches d'un théâtre de « divertissement » brechtien, où les improvisations en répétitions tiennent une grande place, très influencées par Shakespeare, leurs pièces racontent, dans des scénographies dépouillées, des histoires en prise avec la réalité tunisienne. Ne refusant pas la complexité, elles partent à la recherche d'une vérité parfois fragmentée, souvent ignorée voire refoulée : la vérité de leur pays, dans ses rapports avec sa propre histoire comme avec le monde occidental qui l'a colonisé. Ayant acquis une envergure internationale, la compagnie sera reçue au Festival d'Avignon en 2002 pour y présenter Junun. Quand le système dictatorial du président Ben Ali tentera d'étouffer sa voix par une redoutable censure, cette reconnaissance internationale agira comme une protection.
JFP, mai 2011.