Entretien avec La Maison Tellier

Quelle histoire commune entre Harvest de Neil Young et votre groupe, La Maison Tellier ? 

Sébastien Miel (« Raoul Tellier »), guitariste avec lequel j’ai cofondé La Maison Tellier, a grandi avec un grand nombre de vinyles à la maison, et il est devenu avec le temps un véritable fan de cet album. Pour ma part, je n’ai découvert l’album de Neil Young qu’adolescent. Alors que mes camarades écoutaient Depeche Mode, Mano Negra ou Metallica, je suis tombé dans la musique folk : Johnny Cash, les vieux Cohen… et Neil Young. Cet artiste représente une influence majeure pour notre groupe. Reprendre son album phare Harvest était une évidence. Nous l’avions approché par quelques reprises, jamais d’un bloc. Si nous sommes un groupe folk, la différence c’est que nous n’avons pas d’harmoniciste mais un trompettiste ! Et puis il y a la matière même de ces chansons, de ce vinyle. Ce léger souffle avant le premier titre, Out on the week-end, c’est comme voir le papier peint de la cuisine de notre enfance. Quelque chose que nous ne remarquons plus avec le temps, alors qu’il s’agit d’un élément fondamental dans notre environnement…  

Comment approcher ce disque, qui a la particularité d’être plutôt composite ? 

Il l’est en effet, avec le paradoxe d’être d’une simplicité exceptionnelle. Les titres n’ont pas été enregistrés dans un studio mythique. Words (Between the Lines of Age) est en live, deux autres morceaux sont accompagnés par le London Symphony Orchestra. Par sa cohérence absolue, il raconte la fin des années 1960, avec un côté à la fois descente de trip et soleil couchant. Jusqu’à clairement interroger l’addiction à la drogue dans The Needle and the Damage done. Nous pouvons l’écouter en nous disant : « En 1972, la vie c’était comme ça. » Ce sont des chansons peu entraînantes, avec des larmes dans la voix. Pas grave si les paroles ne sont pas de l’importance de celles de Bruce Springsteen ou Leonard Cohen ! Il y a dans ce disque un côté « to miss something », un manque d’une dimension mélancolique. Ce sentiment, nous l’éprouvons comme musiciens. Peut-être une sorte d’itinérance propre à la musique folk. Ne sommes-nous pas des Normands cowboys, venus du pays de Maupassant, même si nous n’avons jamais eu de ranch comme Neil Young ? Peu importe. Nous avons voulu approcher au plus près ces compositions musicales d’une vibration unique, en les ouvrant à de nombreux invités, ce qui est caractéristique de notre histoire comme de la conception de ce disque, fait dans l’amitié et de multiples collaborations.  

Entretien réalisé par Marc Blanchet