Entretien avec Jonas&Lander

Comment est née l’idée de Coin Operated  ? Y a-t-il eu une image ou un moment déclencheur  ?

Jonas Lopes : L’image de l’homme à cheval est profondément ancrée dans l’imaginaire collectif. On la retrouve dans les statues, les peintures, les monuments publics. Elle symbolise souvent le pouvoir. Le cheval a toujours occupé une place centrale dans la société : compagnon de guerre, force de travail, source de divertissement, et même figure exploitée dans l’industrie pornographique. Il existe également un contraste entre la puissance que peut dégager une telle image et une représentation plus innocente, comme celle d’un jouet d’enfant, un cheval à bascule ou un carrousel, qui ne s’anime que lorsqu’on y insère une pièce. Coin Operated est né de cette association singulière entre l’enfance, l’animal et l’argent. Alors que nous réfléchissions à cette idée, nous avons été invités par la BoCA – Biennale des Arts contemporains à créer une performance pour le musée des Carrosses à Lisbonne. Parce qu’à travers le cheval, il retrace une certaine histoire du capitalisme, ce lieu s’est révélé le contexte idéal pour développer Coin Operated. La performance s’active avec une pièce d’un euro insérée par le public, la scène ne prend vie que lorsque les deux chevaux mécaniques se mettent en mouvement. Ce geste simple, accompli par les spectateurs et spectatrices, déclenche un voyage à travers les multiples rôles symboliques attribués au cheval, de la domestication à l’exploitation. Coin Operated explore la fusion entre l’homme et l’animal, réunis dans une même figure.

Le public est invité à activer la performance en insérant une pièce. Ce geste place le spectateur au cœur du dispositif. Comment avez-vous pensé cette interaction et qu’espérez-vous susciter chez les spectateurs  et spectatrices  ?

J.P : Au cœur de ce geste, il y a une idée claire : dans notre société, c’est l’argent et le capital qui mènent le monde. Ce mécanisme existe même dans les gestes les plus simples, comme un enfant qui joue sur un carrousel ou un cheval à bascule. Quant aux réactions du public, parfois, il y a une forme de course pour être le premier à insérer une pièce, ce qui crée une négociation subtile entre les spectateurs  et spectatrices. Certains échangent simplement un regard ou un rire. C’est un moment d’hésitation qui finit par se dissiper au fil de la performance.

Le spectacle est conçu pour des espaces non conventionnels. En quoi ce format influence-t-il la performance  ?

J.P : Coin Operated a été créé en 2019 et, depuis, la performance a été jouée dans des lieux variés, allant d’une église à Spoleto à l’une des discothèques les plus animées de Lisbonne. Ces espaces influencent profondément les réactions du public. Par exemple, dans une galerie d’art, les réactions sont généralement plus retenues, alors que dans des lieux plus informels ou bohèmes, elles sont plus vives et spontanées. La performance semble toujours toucher le public, même si la façon dont cette connexion s’exprime varie d’un lieu à l’autre, selon le pays et le contexte.

Vous créez ensemble depuis 2011. Comment définiriez-vous votre collaboration  ?

J.P : Notre collaboration réunit deux univers créatifs très différents, mais qui s’inspirent et se stimulent constamment l’un l’autre. Nous avons tous les deux une forte affinité pour le surréalisme, l’absurde et l’humour. La musique est également un élément central de nos créations.  Après quatorze années de travail commun, notamment sur des pièces en duo comme Coin Operated, nous avons développé ce qu’on pourrait appeler une sorte de « télépathie performative », une forme de communication qui va bien au-delà des mots.