Lectures de Molloy, fragments de Samuel Beckett par Sami Frey
lu par Sami Frey
Molloy est le premier roman que Samuel Beckett, à la recherche d'un style dépouillé et suivant son désir de « s'appauvrir encore davantage», écrit en langue française. Il inaugure une trilogie, dont font partie Malone meurt et l'Innommable. Molloy est un vagabond, amnésique et à la jambe droite paralysée. Il occupe la maison de sa mère qui vient de mourir - d'ailleurs, Molloy, n'est-ce pas son prénom à elle ? Signe particulier : il se perd dans les méandres de son récit en spirale et de son raisonnement méticuleux, dans la tentative désespérée de fixer un réel aux combinaisons infinies... Dans une de ses sorties dans la forêt, Molloy tue, sans raison, un vieux charbonnier. C'est alors que le détective Moran, de l'agence Youdi, commence à mener une enquête sur lui. Mais à mesure que l'investigation avance, Moran commence à éprouver les mêmes symptômes que Molloy - perte de mémoire, jambe atrophiée - et à glisser dans le même illogisme dont semble souffrir le vagabond. Bref, l'agent finit, à son tour, par s'identifier à l'objet de sa quête. Le moi dédoublé semble se fragmenter en des sous-moi fictifs : Beckett, Molloy et Moran, une seule et même personne, qui essaie tant bien que mal d'inventer une fable. C'est alors que le rire suprême de l'auteur rit de ce qui se révèle un but inatteignable : comptabiliser l'existence, définir l'homme et donner un sens à la vie.
« Samuel Beckett : L'écriture m'a conduit au silence.
Charles Juliet : Mais quand rien ne se passe, que faites-vous ?
Samuel Beckett : Il y a toujours à écouter. »
Charles Juliet Rencontre avec Beckett
Alain était un ami.
Un ami, que j'ai rencontré quelques fois et avec qui les rares paroles que nous avons échangées ont toujours été suivies d'effets.
Un ami... Si ce mot a un sens.
Il y avait dans sa réserve naturelle, dans son refus du commentaire, une attitude qui pouvait déconcerter, mais ses actes étaient toujours là pour contredire cette première impression.
Il m'a encouragé à réaliser ce que je n'aurais peut-être pas osé sans son incitation simple et directe.
Lors d'une rencontre, je lui exprimai une envie, un souhait, un rêve...
Eh bien, fais-le pour le Festival d'Avignon...
C'est sérieux... Oui, fais-le.
Quelques semaines plus tard, pensant qu'il avait oublié, je l'appelai : c'est toujours d'accord... Oui...
Toujours cette absence de commentaires.
J'ai travaillé plusieurs fois avec Alain, toujours avec une grande réussite et toujours sans effets de sa part, dans le plus grand respect de la parole donnée sans ostentation.
Je lui dois beaucoup.
Adieu Alain.
Sami Frey juillet 2010
Sami Frey au Festival d'Avignon : Le Borgne est roi de Carlos Fuentes, mise en scène Jorge Lavelli, 1970; Je me souviens d'après Georges Perec, de et par Sami Frey, 1988 ; Edmond Jabès, la Trace, l'Exil, mise en scène Marie-Paule André, 1991 ; La Cour des comédiens d'Antoine Vitez, mise en scène Georges Lavaudant, 1996 ; Nathan Le Sage de Lessing, mise en scène Denis Marleau, 1997 ; Quartett d'Heiner Müller, lecture avec Jeanne Moreau, 2007.