Edito

57e édition
du 8 au 28 juillet 2003

À Avignon, il appartient au public de tracer sa route, le temps de quelques jours, immergé dans le foisonnement des propositions. Cette liberté, au sein d'une même manifestation, de choisir entre les formes les plus diverses une ligne singulière ou de composer un itinéraire buissonnier, en captant la variété de la programmation, est devenue une rareté, presque un luxe. Il faut pour cela cet espace unique qui, depuis plus d'un demi-siècle, se construit ici. Il faut également et surtout les compagnonnages d'artistes qui, en vingt ans, ont renouvelé notre approche du théâtre et de la danse. J'ai voulu ainsi que soit présente l'évidence des liens vitaux qui unissent Avignon et ses créateurs à son public. Il s'agit d'un rendez-vous sans nostalgie, d'un salut multiforme aux univers des personnalités fondatrices, celles que j'ai désirées durant près de vingt ans pour le Festival et ses lieux. Il n'y a pas de retour en arrière, il n'y a que des rencontres qui se poursuivent et se renouvellent. Ariane Mnouchkine, Peter Brook, Valère Novarina, Didier Bezace, Bartabas, Éric Lacascade, Ricardo Bartís, Thomas Ostermeier, Stanislas Nordey, Angelin Preljocaj, Jean-Claude Gallotta, Alain Platel, Jan Fabre et Anne Teresa De Keersmaeker. Tout les différencie ; leurs projets, leurs désirs, leurs conceptions de la création ou du répertoire, leur relation au public comme au défi qu'est le Festival. Mais ils sont tous les créateurs d'une oeuvre qui, en deux décennies, a changé notre regard sur l'oeuvre dramatique ou chorégraphique. Avec eux est présente cet été, non pas la relève mais la continuité. Celle de la remise en cause, de l'inconnu, du bouleversement des repères. Rodrigo García, Michel Schweizer, Jean Lambert-wild, Michel Jacquelin et Odile Darbelley, Lukas Hemleb, Sidi Larbi Cherkaoui, Vincent Goethals, Yann-Joël Collin, Antonio Latella, François Verret et la compagnie Arsenic ne forment ni une génération ni une école. Ils sont notre désir de théâtre aujourd'hui, aussi indispensables que ceux qui portèrent ce désir hier. De Pologne, avec Krzysztof Warlikowski et Krystian Lupa, ou de Lituanie, avec Gintaras Varnas et Oskaras Korsˇunovas, cette autre Europe, qui va de Berlin à la mer baltique, conduit son ferment de révolutions à la rencontre de nos certitudes établies. Le Festival d'Avignon n'est pas autre chose : des mondes qui se rencontrent, s'apostrophent ou s'ignorent. À ceux qui les observent de faire le reste, de choisir, de comprendre ou de refuser, et de déduire. Être un libre public.  

Bernard Faivre d'Arcier

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