Romeo Castellucci & Valérie Dréville
ROMEO CASTELLUCCI
Avant de fonder en 1981 la Socìetas Raffaello Sanzio avec Chiara Guidi et Claudia Castellucci, Romeo Castellucci a fait les Beaux-Arts de Bologne. Ce n'est donc pas un hasard si le théâtre qu'il invente se fabrique tout autant avec des acteurs et des danseurs qu'avec de la musique, de la lumière, des références picturales, des images et des machines complexes. Un travail d'une grande sophistication, qui fait appel à l'artisanat théâtral traditionnel comme aux nouvelles technologies les plus performantes. Un art de la scène qui entend produire du sens aux yeux du spectateur, auquel il est demandé d'être un partenaire privilégié, indispensable pour que se développe un véritable partage de cette expérience d'une perception visuelle et auditive intense. Persuadé que les mots ont «un poids spécifique plus lourd que les objets et les images», Romeo Castellucci est très attentif à leur emploi. Ce qui n'empêche nullement la compagnie de s'intéresser aux grands textes dramatiques et littéraires, toujours comme fondement d'une recherche plutôt que comme élément hégémonique de la représentation. Après Hamlet, Hänsel et Gretel, L'Orestie, elle se penche en 1998 sur Jules César de Shakespeare pour un premier spectacle présenté au Festival d'Avignon. S'y succéderont Voyage au bout de la nuit en 1999, Genesi en 2000, quatre épisodes de la Tragedia Endogonidia donnés entre 2001 et 2005, ainsi que Hey Girl ! en 2007. Sans oublier les trois parties de la Divine Comédie, inspirées de Dante et créées en 2008 alors que Romeo Castellucci était l'un des deux artistes associés de l'édition, et Sur le concept du visage du fils de Dieu joué en 2011.
JFP, avril 2012
VALÉRIE DRÉVILLEC'est le désir d'apprendre qui semble être au coeur de la démarche d'actrice de Valérie Dréville, plus encore que le désir de jouer, et c'est cela sans doute qui fait de son parcours un parcours atypique, riche d'aventures et d'expériences fortes qui la transforment et lui permettent d'être toujours là où on ne l'attend pas forcément. Apprendre et transmettre, bien sûr, car Valérie Dréville ne veut pas s'isoler dans une pratique individuelle dont la stérilité serait totalement étrangère à sa nature, elle qui aime par-dessus tout partager. Apprendre à l'École du Théâtre national de Chaillot avec Antoine Vitez, son premier maître, celui qui lui enseigne qu'il faut chercher à l'extérieur de soi. Sous sa direction elle jouera dans des spectacles phares des années quatre-vingt : Électre de Sophocle, Le Soulier de satin de Paul Claudel, La Vie de Galilée de Bertolt Brecht, La Célestine de Fernando de Rojas. Apprendre avec Claude Régy, un maître rencontré au Conservatoire national supérieur d'Art dramatique de Paris qu'elle a intégré à sa sortie de l'École de Chaillot. Avec Claude Régy, elle explore une autre dimension du jeu théâtral, qu'elle n'oppose pas à celle d'Antoine Vitez mais au contraire qu'elle utilise comme un prolongement de ce qu'elle a déjà appris. Avec lui, elle va au plus profond d'elle-même pour laisser à son inconscient la possibilité de s'exprimer, et grâce à lui elle traversera les univers de Gregory Motton (La Terrible Voix de Satan), de Jon Fosse (Quelqu'un va venir puis Variations sur la mort), de David Harrower (Des couteaux dans les poules), de Henri Meschonnic (qui a traduit les psaumes bibliques réunis dans Comme un chant de David) et Maurice Maeterlinck (La Mort de Tintagiles).
Entrée à la Comédie-Française comme pensionnaire à la demande d'Antoine Vitez, nommé administrateur en 1988, elle y fera la rencontre d'un troisième maître, le metteur en scène russe Anatoli Vassiliev qui lui demande de jouer dans Bal masqué de Lermontov. Sous sa direction, elle joue notamment dans Médée-Matériau de Heiner Müller, plusieurs saisons de suite à partir de 2002. Elle avait auparavant joué dans Amphitryon de Molière, puis a assuré à la demande d'Anatoli Vassiliev le "training verbal" de ses camarades de la Comédie-Française pour une nouvelle création d'Amphitryon par le maître russe en 2002. La rencontre avec Anatoli Vassiliev a été décisive pour l'actrice, non seulement pour les spectacles dans lesquels il lui a été permis de jouer, mais aussi et peut-être avant tout parce que cela a été synonyme d'un retour à la formation. Valérie Dréville a acquis à travers cette rencontre une connaissance de l'école russe et de la tradition issue de Stanislavski, et a découvert le coeur de la recherche d'Anatoli Vassiliev: une volonté d'aller vers un théâtre des idées qui s'exprime par un travail sur la parole. Pour ce faire, elle apprend le russe et effectue plusieurs séjours dans son théâtre-école de Moscou. Ces périodes intensives d'apprentissage ne l'empêchent pas de travailler tant au cinéma (avec Jean-Luc Godard, Alain Resnais, Philippe Garrel, Arnaud Desplechin, Nicolas Klotz, Michel Deville) qu'au théâtre avec Alain Françon qui la dirige dans deux pièces de Edward Bond (Pièces de guerre en 1994 et Chaise en 2006), Luc Bondy pour lequel elle sera une Phèdre inoubliable, Aurélien Recoing qui lui propose de jouer dans Tête d'or de Paul Claudel, mais aussi Bruno Bayen, Jean-Pierre Vincent, Lluis Pasqual, Julie Brochen... Pour chacun de ces metteurs en scène, elle est toujours prête à se remettre en question, apportant son énergie, sa disponibilité, son engagement pour faire vivre un théâtre "aventureux" qui s'adresse à un public curieux de ces aventures, de ces découvertes.
Au Festival d'Avignon, elle a joué dans Le Soulier de satin de Paul Claudel, mise en scène d'Antoine Vitez (1987) dans la Cour d'honneur du Palais des papes, La Célestine de Fernando de Rojas, mise en scène d'Antoine Vitez (1989), Pièces de guerre d'Edward Bond, mise en scène d'Alain Françon (1994), Amphitryon de Molière, mise en scène d'Anatoli Vassiliev (1997), Médée-Matériau de Heiner Müller, mise en scène d'Anatoli Vassiliev (2002) et Chaise d'Edward Bond, mise en scène d'Alain Françon (2006). Elle a travaillé avec Julie Brochen en portant un regard sur la mise en scène de L'Échange de Paul Claudel, présenté au Festival d'Avignon 2007. Elle a également réalisé de nombreuses lectures, dont dernièrement celles des poèmes d'Otto Tolnaï en 2006 et des poèmes de Robert Desnos en 2007.
JFP
Avignon, mars 2008