Entretien avec Léonie Pernet

Vous abordez Ziggy Stardust and the Spiders from Mars de David Bowie en opérant un véritable décalage. Quelle est votre histoire avec ce disque ? 

Il s’agit d’abord d’une création commandée par le Printemps de Bourges. Je l’ai acceptée justement parce que je suis passée à côté de David Bowie, dans le sens où il n’a pas façonné ma formation musicale. Adolescente, je me suis intéressée aux années 1980, peu à ce qui précédait. De fait, j’ai suffisamment de distance pour aborder ce disque mythique, que je n’ai jamais sacralisé. Et je ne crains pas d’avoir les fans de David Bowie en embuscade ! Cinquante ans, ce n’est pas rien pour un album rock. J’aborde le personnage de Ziggy par sa psychologie, en m’inscrivant au plus près de lui avec les problématiques d’aujourd’hui. C’est ma porte d’entrée. Ce qui m’intéresse dans une chanson comme Five Years, la première du disque, c’est de jouer avec cette durée lorsque l’on sait que dans quatre ans il y a des élections, et ce en plein défi climatique. Je me suis tournée vers l’afrofuturisme, la science-fiction africaine. Ce choix est essentiel. Il faut dire également que si David Bowie est un gender fucker avant l’heure, dans un cadre occidentalo-centré, ce qui est son histoire, parler des Africains c’est toujours parler de la faim ou de la traversée fatale de la Méditerranée. Je veux pour ma part proposer des êtres forts à la pointe de quelque chose. Cela fait du bien à l’esprit ! Dans ma version de Ziggy, je me rends au Niger, pays dont mon père est originaire. 

En transformant ce personnage du glam rock en extraterrestre africain non binaire, ne rejoignez-vous pas David Bowie dans sa nature caméléonesque ? 

À défaut de chanter des titres en français, j’ai modifié les arrangements, la rythmique, en privilégiant une interprétation à partir d’une base piano et voix. En concert, nous sommes trois sur scène : Jean-Sylvain Le Gouic aux synthés et à la basse, Yovan Girard au violon, tandis que j’assure le chant et les percussions. Ma revisitation de Ziggy Stardust n’a pas de solo de guitare, comme dans Moonage Daydream, chanté avec Oko Ebombo – un autre titre l’étant avec la chanteuse Imany. Il s’agit d’expérimenter, d’emmener ces morceaux vers de nouvelles contrées, en favorisant des moments dansants ou atmosphériques. Faire des reprises n’a de sens qu’en innovant, en poursuivant avec mes propres désirs de métamorphose, non sans outrance, en étant portée par le souffle d’un artiste qui fut en effet un véritable caméléon.  

Entretien réalisé par Marc Blanchet