Une Semaine d’art en Avignon

À sa création, le Festival ne portait pas encore le nom de « Festival d’Avignon ». Son nom était plus modeste et à la fois plus poétique : « Une Semaine d’art en Avignon ». Puis le mot de Festival s’est imposé sans que Jean Vilar, son fondateur, n’y souscrive absolument. Plus tard, il a rêvé de revenir à un autre intitulé, utilisant le terme de « rencontres » qu’il concevait comme le centre de la vocation d’Avignon.

Pourtant, si « Une Semaine d’art en Avignon » était un rêve un peu flou que l’enthousiasme de Vilar et de son équipe a emporté, toutes les idées fondamentales qui feront le Festival étaient déjà à l’œuvre : changer l’art pour changer le monde, changer le lien avec le public pour redéfinir la démocratie, inventer un nouveau théâtre et une nouvelle citoyenneté, et au-delà définir les contours de la décentralisation, du service public de la culture et de la démocratisation du savoir.

Au plein moment du confinement et dans le désarroi de l’annulation, nous avons imaginé avec les équipes du Festival de retrouver cette idée originelle et peut-être originale. Il nous fallait revenir aux commencements puisque l’épidémie avait réduit à néant la 74e édition, et sauver symboliquement ce que nous pouvions de ce programme magnifique, articulé autour du désir et de la mort.

Il ne s’agit pas de retrouver toute l’édition en octobre mais seulement d’en inviter certains événements dans un dispositif nouveau hors du bouillonnement de juillet. Après tout, la première édition du Festival n’était pas non plus estivale. Dans cette soustraction au soleil de l’été nous espérons ainsi retrouver une part de la pensée qui a inauguré notre Festival et ce déplacement nous permettra ensemble, artistes, équipes et public, de penser ce qui fait l’exception avignonnaise.

Que faut-il faire et que pouvons-nous espérer ?

Tout d’abord il faut rêver une autre manière d’accueillir ces spectacles, plus simple et plus humble, et inviter le public à revenir dans les salles pour participer à cette nouvelle aventure comme s’il n’y avait pas eu plus de soixante-dix années de Festival. Nous pouvons espérer créer une autre fidélité à nos idées, à l’exigence artistique et à notre devoir vis-à-vis des spectateurs.

Nul ne sait vraiment à quoi ressemblera l’énergie de cette semaine, plus intime et plus libre ? Plus conviviale et joyeuse ? Plus introspective et riche en débats ? Il ne nous appartient pas de la penser entièrement puisqu’elle est la conséquence heureuse d’une catastrophe.

Dans les salles qui sont aujourd’hui à notre disposition – La FabricA, le Théâtre Benoît-XII, la Chapelle des Pénitents blancs, l’auditorium de La Collection Lambert, le Complexe socio-culturel de La Barbière à Avignon, Le Tinel de la Chartreuse à Villeneuve lez Avignon, la Salle des fêtes à Barbentane, la Salle polyvalente à Saze et le Pôle culturel Camille Claudel à Sorgues – et dans une ville et une itinérance plus calmes et toujours aussi belles, ce sera aussi l’occasion de penser encore et encore la place du public.

Ce sera peut-être aussi l’occasion de laisser au public local, déjà très présent en juillet, une autre opportunité de fierté et de ferveur. Loin du tourbillon de l’été, ce moment de rencontres sera peut-être plus discret mais aussi plus libre, informel et vivifiant.

Avignon n’en finira pas de nous surprendre dans sa manière de convoquer le présent.

Cette semaine répond sans doute à un vœu de tous et de chacun, de continuer le Festival au-delà de lui-même et de ses us. Réjouissons-nous donc de voir la ville et les spectacles avec ce regard neuf et ne perdons pas de temps inutile dans la nostalgie des cigales. Même si les normes sanitaires produiront çà et là quelques contraintes, nous trouverons sans doute motif à espérer un avenir du théâtre au-delà de la pandémie.

Dans la simplicité du partage et de l’amour de l’art, tout commence, tout continue, tout s’invente. Qui sait ce que les dieux du théâtre nous réservent ?

Olivier Py

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