Éloge du théâtre

  • Théâtre des idées
Archive 2012

Animé par Nicolas Truong

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Éloge du théâtre

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avec Alain Badiou philosophe

Pourquoi défendre cet art singulier de la représentation, ici, au Festival d'Avignon ? À quoi bon faire l'éloge d'une pratique qui, dans les rues, les cloîtres, les cours et les lycées, triomphe un mois durant ? Parce que le théâtre a toujours eu à défendre sa légitimité. Depuis la naissance de la tragédie, il s'est trouvé des philosophes qui ont rejeté cet art de l'illusion, du simulacre et de la dissimulation. Ils n'ont cessé de rejeter ce théâtre d'ombres. Dans La République, Platon le chasse de la Cité. D'autres l'ont attaqué parce qu'il n'était qu'une cérémonie bourgeoise à laquelle doit se substituer la fête populaire (Rousseau). Mais le théâtre encourt d'autres dangers. Celui d'être patrimonialisé et muséifié. Un théâtre figé dans des codes présupposés. Depuis Platon, on sait que la relation entre philosophie et théâtre n'est pas simple. Un des désirs du philosophe est de discerner le réel sous le jeu des apparences, jeu auquel le théâtre, lieu des masques et des faux-semblants, paraît se dévouer. Comment penser philosophiquement le théâtre à partir de ce paradoxe initial ? Écrivain, philosophe et dramaturge, Alain Badiou n'a cessé de penser cet art qui met les idées en corps. Le théâtre est selon lui un «événement de pensée» qui propose une orientation, une éclaircie dans la confusion des temps. «J'avance ceci, écrit-il dans Rhapsodie pour le théâtre : c'est le mauvais théâtre, le théâtre qui est le descendant de la messe, rôles établis et substantiels, différences naturelles, répétitions, événement falsifié. On y goûte, on y mange le puceau, l'hystérique vieillissante, le tragédien à la voix sonore, le virtuose des déplorations, l'amoureuse frémissante, le jeune homme poétique, comme sous les espèces de l'hostie, on mange Dieu. On en sort conforme aux dispositions placardées. On obtient le salut pour pas cher. Le vrai théâtre fait de chaque représentation, de chaque geste de l'acteur une vacillation générique pour qu'y soient risquées des différences sans nul appui. Le spectateur doit décider s'il s'expose à ce vide. Il est convoqué non au plaisir (lequel survient peut-être, par-dessus le marché comme dit Aristote), mais à la pensée. » Quatre ans après son Éloge de l'amour, ce philosophe-dramaturge, qui voulut être comédien, revient sur l'art et la question centrale de la représentation.

photo © Clémence Hérout

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