"Non-Tutta", extraits

Qu'est-ce qu'un performeur si ce n'est un histrion, une personne qui s'expose au regard de tous et demande qu'une attention extrême soit portée à ses moindres faits et gestes ? Dans Non-Tutta, Silvia Albarella et Anne Tismer sondent la personnalité histrionique (forme moderne de l'hystérie), afin d'en révéler le caractère théâtral, pathologique et social. Au centre d'un cube blanc, Anne Tismer tente d'instaurer un échange avec le public et avec son partenaire de scène, le musicien Tom Tiest. Très vite, la performeuse s'épuise dans des stratégies de communication compliquées et loufoques, d'une expressivité toute dramatique. Envahie par un univers tantôt inquiétant, tantôt merveilleux et rassurant, à l'image des apparitions filant sur les murs ou du monstre de laine coloré dans lequel elle s'enveloppe, elle semble débordée par une agitation interne éreintante. Tour à tour drôle et émouvante, elle dit aspirer au calme, à un état de torpeur hors de la réalité et semble, en même temps, paniquée à l'idée d'y accéder. Sur le plateau, des chansons rythment ses confessions qui basculent parfois dans le cauchemar : des souvenirs d'enfance, en apparence anodins, qui suggèrent un traumatisme. Plus qu'une pathologie individuelle, c'est une maladie des sociétés occidentales, tributaires du paraître et de la vitesse, rongées par le stress et la dépendance affective, hantées par l'efficacité et la mise au pas, qui est explorée dans ce portrait d'un être au bord de la crise de nerfs. Une performance à l'imaginaire fertile, pendant laquelle les spectateurs puisent avec jubilation dans leur propre univers mental et psychique.