avec Jean-Luc Nancy philosophe
Contrairement à ce que disait Sartre, le communisme n'est plus aujourd'hui “l'horizon indépassable de notre temps”. Mais l'échec du système qui s'est présenté comme tel doit-il pour autant nous obliger à faire le deuil de l'idée de communauté ? N'y a-t-il plus d'alternative possible au monde comme il va ? Et sommes-nous condamnés à laisser l'idée de communauté aux communautarismes qui hantent une planète déchirée ? Si les communistes semblent réduits au silence, pour paraphraser le titre de la pièce mise en espace cette année au Festival d'Avignon par Jean-Pierre Vincent, la “communauté désœuvrée” cherche une voix. Face aux multiples formes de replis identitaires, à la résurgence de nationalismes réactionnaires, à l'implacable fabrique des “perdants radicaux”, comme le dit Hans Magnus Enzensberger, incapables d'articuler le “je” et le “nous”, c'est-à-dire l'individuel au collectif sans passer aux pires actes meurtriers, les outils conceptuels viennent à manquer. En 1986, le livre de Jean-Luc Nancy, La Communauté désœuvrée, marque un tournant dans la réflexion sur le communisme d'après le communisme soviétique. “Le témoignage le plus important et le plus pénible du monde moderne [...] est le témoignage de la dissolution, de la dislocation ou de la conflagration de la communauté”, écrit le philosophe dès les premières lignes de cet ouvrage. Le “communisme littéraire” y semble une des voies à emprunter afin de réinventer “l'être-en-commun” et résister à l'achèvement de l'idée de communauté. Depuis, la mondialisation a entraîné le développement illusoire ou avéré d'une communauté mondialisée, la révolution numérique a laissé entrevoir l'émergence d'une communauté virtuelle. Comment penser “l'être avec” à l'heure où chaque communauté veut faire droit à sa singularité ? Une conversation pour tous ceux qui n'ont pas renoncé à l'exigence d'un monde commun.