Georges Didi-Huberman philosophe et historien d'art
Dans un monde où les images prolifèrent en tous sens et où leurs valeurs d'usage nous laissent si souvent désorientés, il semble nécessaire de revisiter certaines pratiques où l'acte d'image a véritablement pu rimer avec l'activité critique et le travail de la pensée. On voudrait s'interroger, en somme, sur les conditions d'une possible politique de l'imagination. Histoire de regarder notre propre histoire avec les outils que nous offrent des penseurs et des artistes tels que Bertolt Brecht ou Walter Benjamin, Roberto Rossellini ou Pier Paolo Pasolini. Pour élaborer cette politique des images, Georges Didi-Huberman s'est inscrit dans la lignée d'une histoire de l'art philosophique, critique, psychanalytique et poétique inaugurée par Aby Warburg (1866-1929), et largement minorée en France. Comme il le rappelle lui-même dans L'image survivante (Minuit, 2002), c'est Aby Warburg qui, “le premier, fit de la survivance (Nachleben) le motif central de son approche anthropologique de art occidental”. Qui était ce pionnier ? Né à Hambourg en 1866, Aby Warburg était un héritier d'une puissante famille de banquiers qui renonça aux affaires pour se consacrer à l'étude des images. Fondateur de la discipline iconologique grâce à une interprétation révolutionnaire des fresques du Palozzo Schifanoia à Ferrare, il crée à Hambourg une bibliothèque interdisciplinaire qui deviendra mythique par sa richesse et son organisation originale, et réunit autour de lui des personnalités telles qu'Erwin Panofsky ou Ernst Cassirer. La Première Guerre mondiale le fait sombrer dans la folie : il sera interné de 1918 à 1924. Revenu à Hambourg, il s'attache au projet Mnemosyne, grand atlas d'images destiné à rendre visible les “survivances” de l'Antiquité dans la culture occidentale, avant de mourir en 1929. Rencontre avec l'un de ses principaux continuateurs.