avec
Yves Sintomer sociologue
Pierre Rosanvallon historien
La célébration de la fête de la démocratie qu'aurait été la dernière élection présidentielle française, en raison du fort taux de participation qui la caractérisa, a été aussitôt tempérée par le scrutin des législatives qui n'ont pas déclenché un débordement de passions politiques. Les signes d'un mécontentement public et populaire ne datent pas d'hier. Le 21 avril 2002 fut non seulement marqué par la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour de l'élection présidentielle, mais également par le fait que le président sortant ne rassembla que 19,9 % des suffrages exprimés au premier tour tandis que les candidats de partis n'ayant aucun représentant au Parlement en totalisèrent 29,6 %. Trois ans plus tard, les citoyens français étaient 55 % à refuser le projet de Constitution européenne alors que 92 % de leurs représentants y étaient favorables. Et la liste est longue. Entre abstention et défiance, vote sanction et méfiance, nous vivons une crise de la représentation politique qui oblige à penser à nouveaux frais le concept de démocratie. Pierre Rosanvallon a mené une grande enquête intellectuelle sur “la politique à l'âge de la défiance”. De ce voyage en “contre-démocratie”, cette autre démocratie qui ne se réduit pas aux formes classiques de la représentation politique, de ce portrait du nouveau “Janus citoyen” qui défie le pouvoir sans s'en désintéresser, il dégage une éthique politique pour nos temps de défiance généralisée. Si l'idée de démocratie participative est à présent tolérée, celle de jurys citoyens tirés au sort a déclenché un tollé. Selon Yves Sintomer, il n'était pas justifié, car sa recherche a montré que la désignation aléatoire des dirigeants était une dimension constitutive de la naissance de la démocratie, à Athènes. Et de montrer toute une floraison d'expériences qui, des conseils de quartiers au budget participatif, pourraient renouveler nos démocraties fatiguées. Faut-il renouveler la démocratie par une participation accrue du peuple aux processus de décision ? La revivifier par l'usage du tirage au sort et le recours aux jurys citoyens ? Et comment rendre la démocratie plus populaire sans tomber dans l'ornière populiste ?