Impossible d'échapper à cet exercice journalistique qu'est l'interview dans notre monde surmédiatisé. Hommes politiques et artistes, sportifs et anonymes s'y livrent dans un ballet incessant. Intrusive ou complaisante, combattive ou complice, posthume ou imaginaire, sentencieuse ou burlesque, l'interview est un jeu de rôle, un théâtre, une piste de danse où se joue la confrontation de deux subjectivités. Mais, à l'ère du bavardage généralisé, l'enjeu consiste à y faire encore advenir des vérités, des paroles qui viennent rompre le conformisme et la banalité grâce à cet art singulier de « l'accouchement de la pensée ». C'est cette diversité du genre, cette interrogation sur le questionnement que Nicolas Truong, journaliste rompu à cet exercice, veut faire entendre. De Foucault à Duras, de Pasolini à Deleuze, mais aussi de Bernard Pivot à Thierry Ardisson, de Florence Aubenas à Svetlana Alexievitch, c'est toute une galaxie d'interviewés et d'interviewers qui reprennent la parole, tous les questionneurs qui sont questionnés sur leurs entretiens réussis ou leurs rencontres ratées. Sur le plateau du Tinel de la Chartreuse, le public entendra le passage d'un langage formaté à une parole incarnée. Hors de tout naturalisme, de toute reconstitution à l'identique, place est faite au jeu, au corps-à-corps, à la déconstruction, à la reconstruction, à l'imagination. Du mensonge assumé au désarroi incontrôlable, de la connivence à l'agressivité, c'est aussi bien notre mémoire collective que notre actualité qui sont mises en scène dans cet entretien infini sur le temps présent.