« Raconter ici en 30 minutes chrono, extérieur jour, l'histoire de la femme la plus haïe de son époque : Cosima de Flavigny alias Cosima von Bülow alias Cosima Wagner. Menacée par le génie de son père considéré comme une star (Franz Lizst), frustrée par un mari malade mais virtuose chef d'orchestre (Hans von Bülow), puis secrétaire et maîtresse de l'artiste qui réinventa l'art allemand et européen (Richard Wagner), elle ne doit son salut qu'au Festival de Bayreuth en Bavière. Elle fera de ce lieu, non seulement un lieu de mémoire, à l'instar d'un musée grandeur nature dédié à Wagner, mais aussi une industrie culturelle qui annonce Hollywood. J'ai invité Laurent Sauvage que j'ai rencontré en 2008 grâce à Stanislas Nordey. Ici, il joue en son nom propre face à une des figures wagnériennes les plus connues : une Walkyrie. Il fallait un acteur capable d'assumer son identité de genre masculin et il fallait aussi une créature féminine caricaturant l'éternel féminin. Entre les deux, Cosima entre en scène dans une épopée tragi-comique. Le texte est du côté de l'effet. Inspiré par une esthétique pop, il joue des clichés et stéréotypes dans des phrases écrites simplement sans souci de poésie. Parfois, il n'est pas exempt de gaucherie pour mieux échapper aux monologues prescriptifs de la domination masculine. La scène est inspirée du rock, seule culture capable de reconstituer le monde de l'opéra du début du XXe siècle. Elle représente un lieu unanime avec des codes stricts : immobilité devant un micro sur pied, charisme assumé, guitare électrique en bandoulière qui tient autant de l'accessoire que du geste, un parler immédiat sans fantasme d'oralité. La musique de Pierre-Yves Macé diffusée discrètement mais puissamment est insoumise. Art sonore en creux, entre le jingle et le leitmotiv, avec les cordes du quatuor Pli qui sont un écho au rock et à Wagner himself. »