« Je n’aurais pas imaginé cette lecture pour France Culture, sans la complicité d’un ami de longue date, Stanislas Wais, qui a eu cette idée de mêler Baudelaire et Nietzsche. Pour moi, Nietzsche est le philosophe le plus littéraire de tous, c’est pourquoi l’on peut légitimement s’interroger sur la possibilité de le dire devant un micro ou devant un public. Je n’ai pas de formation philosophique donc ce que je dis n’a aucune ambition de vérité universelle, mais il me semble, moi qui n’ai pas été longtemps à l’école, qu’ouvrir un livre de Kant, Hegel ou Spinoza, c’est très compliqué. Alors que la pratique nietzschéenne de l’aphorisme donne accès plus facilement à l’œuvre.
Et puis, pour dire toute la vérité - et cela prouve bien la thèse de Nietzsche selon laquelle tout n’est que biographie -, ma première fiancée exigeait avant nos rendez-vous que j’aie lu une dizaine de pages de Zarathoustra. J’avais 18 ans, j’étais un peu dépassé par le propos. Et puis plus tard, bizarrement, j’ai vu que Nietzsche infiltrait toutes les questions de notre époque. Est-ce par l’amour que Deleuze avait pour lui ? En tout cas, il a une audience et il y a un phénomène Nietzsche.
Alors j’ai eu envie de voir s’il « passait à l’oral ». Grâce à France Culture pour laquelle ce sera une première, je vais le tenter et faire l’expérience de le dire à la fois pour la radio et pour le public. C’est une gageure, mais c’est assez passionnant parce que je vais essayer de le servir pour le faire entendre. On va enregistrer et du coup on aura une idée exacte de la manière dont « ça passe ou non », je saurai si, après cette lecture au Musée Calvet, je pourrai le jouer dans une salle à Paris, assez petite, parallèlement à des spectacles plus grand public.
Quant à Baudelaire que l’on entendra aussi, pour aller vite, on pourrait dire que c’est un décadent, un morbide, un artiste dans le spleen et la souffrance. Il est donc presque l’antithèse du dépassement, de la vitalité, du grand « oui » dionysien de Nietzche. Mais leur point commun est l’amour de la forme, l’amour de l’apparence, l’efficacité stylistique, le sens de la rupture et puis la vérité de la forme qui est presqu’une vérité comme l’exprime bien Paul Valery : « Qu’est-ce qu’il y a de plus profond dans l’homme ? ma peau » ou bien encore Nietzsche avec cette phrase extraordinaire dans laquelle se trouve une grande partie de sa pensée : « Ah ces grecs ! Ils étaient superficiels par profondeur ». »
Propos recueillis par Blandine Masson
Distribution
Textes extraits de Ecce homo et du Gai Savoir de Nietzsche, traduits par Alexandre Vialatte et extraits de Ainsi parlait Zarathoustra traduits par Marthe Robert
Lecture Fabrice Luchini
Adaptation Fabrice Luchini et Stanislas Wais
Réalisation Laure Egoroff / Assistanat à la réalisation Manon Dubus
Production
Creation for France Culture