1er portrait - Nadège Delépine de l’école de journalisme Sciences Po Paris, par Alexandra Jaegy de l’IFP
Au premier abord, Nadège n’aurait jamais dû couvrir le Festival d’Avignon. Dans son enfance, cette Suissesse, désormais âgée de 25 ans, n’a que rarement eu l’occasion d’aller au théâtre. C’est du moins ce qu’elle évoque lorsqu’on lui demande de but en blanc de détailler son rapport à la cutlure. Mais, après réflexion, Nadège se reprend. « Bien-sûr que j’ai grandi en allant au théâtre. Mais ce n’était pas celui du Festival. J’adorai les comédies musicales. » Alors, longtemps, Nadège a pensé qu’elle n’était pas assez cultivée. C’est seule et après le lycée qu’elle se construit son patrimoine culturel, sans avoir peur des découvertes en solitaire. Après sa Maturité (l’équivalent du bac en Suisse), elle décide de voyager et d’étudier la sociologie. C’est là que commence une réflexion sur son parcours personnel au sein de la société. Avec soif de connaissance, elle découvre les musées, la peinture et le théâtre « légitime », comme elle aime à le décrire. Un nouveau monde s’offre à elle, fascinant, spirituel, dont elle se nourrit au quotidien. Ce qu’elle aime le plus dans le théâtre, c’est naturellement la magie des costumes, car Nadège aime la mode. Pour elle, les habits ont une symbolique très forte, à tel point que cette étudiante à Sciences Po Paris rêve d’être journaliste de mode. Sa première passion : écrire, depuis qu’elle sait tenir un stylo. Lors d’un passage à La Tribune de Genève, Nadège a une révélation : travailler dans la presse écrite pour y devenir une journaliste culturelle, une idée qui sonne comme une revanche sur son enfance loin de la culture classique. Finalement, couvrir le Festival d’Avignon pour les Inrockuptibles sonne comme une évidence lorsque l’on connaît vraiment Nadège.
- Alexandra Jaegy
2e portrait - Fouziya Limoan, intervenante pédagogique au service des communautés des quartiers sensibles depuis 2012, à Avignon et dans les alentours
Hormis un projet de webradio éducative en partenariat avec Rfi en 2019, rien ne destinait Fouziya Limoan, intervenante pédagogique établie dans la cité des Papes à l’âge de 18 ans, à participer à une résidence organisée pour de jeunes journalistes par le Festival d’Avignon. « L’essentiel, c’est que je me sente faire partie du groupe », souligne-t-elle, quand on lui fait remarquer qu’elle ne figure pas sur la photo officielle prise pour les réseaux sociaux. S’inscrire dans le collectif et dans l’échange de points de vue, voilà ce qui a amené cette passionnée de boxe thaï de 37 ans à faire partie de l’aventure « Jeunes Reporters d’Avignon ». Son arrivée à Avignon est aussi peu banale que sa mue professionnelle : c’est « un accident heureux » qui l’a conduite vers la cité des papes, à savoir la naissance de sa nièce lors de l’été 2001. Elle fait ses bagages, pensant passer les vacances en famille ; elle n’en repartira finalement jamais. La cité Berthe, dans laquelle elle a grandi, proche de la Seyne-sur-mer, à deux heures de route, peut toujours l’attendre, Fouziya a des ambitions qui ferait craquer les murs de n’importe quelle petite ville. « Au départ, j’étais travailleuse sociale pure, mais je me suis rendu compte que c’était un truc chiant. Il fallait que ça change, j’étais “déter”…, alors je suis allé au Conseil général pour demander une aide qui me permette de faire une formation en audiovisuel. » Cette étape est un tournant. Fouziya crée son association « Par l’image et le son » en 2012, dénomination qu’elle fait précéder du mot « Volt » en 2020 pour faire écho à son tryptique de vie : « énergie – force – potentiel. » Tout s’enchaîne : elle intègre toutes les compétences techniques, crée des capsules vidéo sur des problématiques sociales en lien avec son territoire et, plus important encore, avec les jeunes de quartiers sensibles qu’elle défend bec et ongles. « Les écouter pour qu’ils parlent, leur parler pour qu’ils écoutent », condense-t-elle, mais jamais leur mâcher le travail. Actrice de son destin, derrière et non devant la caméra, Fouziya souhaite la même chose pour les jeunes n’ayant pas eu le privilège de fréquenter le Festival d’Avignon ou, plus largement, les institutions culturelles. Elle fait ainsi le lien entre culture(s) et public(s), entre Avignon et ses communautés. La médiation est ce qui la définirait le mieux : elle lui permet de « donner la parole » à ceux qui ne l’ont pas, ou pas assez, autour d’elle, et de « donner (sa) parole pour faire un retour d’expérience », ce qui, elle l’espère, « favorisera l’ouverture » et l’émergence d’un nouveau vivier de talents. Comme elle le dit : « Chaque jeune est une graine. » Et, comme l’on entend plus souvent dans le sud qu’ailleurs, « la bienveillance, c’est comme le soleil, ça coute pas plus cher d’en arroser le plus grand nombre ».
- Theo Bessard
3e portrait - Tania Markovič
C’est une petite brune, souriante. De faux airs d’Audrey Tautou. Cigarette à la main, Tania Markovič, 25 ans, parle beaucoup avec son corps. Quand elle s’exprime, c’est d’une voix posée, radiophonique, colorée de l’accent de son pays d’adoption, la Belgique. Quand elle rit, c’est sans retenue. Le théâtre, l’écriture, Tania connaît. Elle y navigue depuis l’enfance, tant à l’école que dans sa vie personnelle. A la fin de ses études, après l’école de formation de l’acteur Claude Mathieu à Paris, elle enchaîne les petits boulots. « J’ai essayé deux fois de monter une pièce que j’ai écrit, mais le projet n’a pas fonctionné. J’ai joué dans quelques courts-métrages, quelques web-séries, mais rien qui me permette de vivre », explique-t-elle. Elle déménage à Bruxelles et reprend ses études en 2019 à l’institut des Arts de Diffusion de Louvain-la-Neuve. Elle devient pigiste pour la RTBF. Quand on l’interroge sur le Festival d’Avignon, ses yeux bruns s’éclairent. « J’espère y faire des rencontres, tenter de nouveaux sujets. » Et la radio la rattrape toujours : elle envisage aussi d’expérimenter avec les sons, de se faire « passeuse », comme elle le dit volontiers, de l’ambiance si particulière de cet intense mois de juillet.
- Pauline Demange
4e portrait - Alexandra Jaegy
Mercredi 19 mai 2021, le rendez-vous est pris à un café-croissanterie Rue de la République, une des artères commerçantes les plus importantes d'Avignon Intra-Muros. En robe légère malgré le mistral qui souffle ce matin-là sur la Cité des Papes, Alexandra Jaegy a le regard qui pétille, tout à sa joie de boire un café en terrasse pour la première fois de l'année. Malgré son jeune âge (25 ans), Alexandra a déjà un parcours bien rempli. Son bac économique et social en poche, elle intègre la prépa littéraire du lycée parisien Victor Duruy avant de valider sa licence en « lettres, édition, médias et audiovisuel » à la Sorbonne avec le projet de devenir journaliste. Là, ses attentes sont déçues : « Sur le papier, explique-t-elle, cela faisait très actuel, mais dans les faits on n’avait qu’une heure de journalisme par semaine. » Elle rejoint alors une autre licence en « création de contenu numérique, majeur journaliste » à l’école W avec laquelle elle a l’occasion de partir en Nouvelle-Zélande pour un stage au sein d’un média s’adressant aux expatriés français. A son retour en France, elle est pigiste pendant près d’un an pour BFM TV, une expérience qu’elle qualifie de « géniale, car on lui a donné très vite de nombreuses responsabilités. Dans un média comme BFM, on ne s’ennuie jamais ». En septembre 2020, elle entre en master de journalisme à l’Institut Français de Presse, dont elle vient juste d’achever la première année. Il sera bientôt temps pour elle de se spécialiser. Son choix s’est porté sur la radio : « Il y a un lien affectif fort qui unit la radio et son public ; elle peut accompagner l’auditeur dans chaque moment de sa vie quotidienne, contrairement à la “consommation” de la télé ou de la presse écrite qui suppose de se poser ». Alexandra aime à dire que « le micro, le journaliste peut l’oublier, contrairement à la caméra ou au fait d’écrire. Cela permet une plus grande proximité avec le public». Pour son projet de fin d’étude, elle réalise un podcast sur la prise en charge psychologique des migrants en France. Ce mois de juillet, elle couvrira le Festival d’Avignon – sa « première fois » – comme stagiaire pour RFI, média où elle rêve de travailler en tant que correspondante à l’étranger. Aussi loin qu’elle s’en souvienne, elle a toujours voulu être journaliste. Passionnée de voyages, (elle a notamment été quatre fois en Chine, dont la première fois à seize ans), elle envisage le journalisme comme « une ouverture au monde », estimant qu'une de ses missions sera de faire entrevoir au public des cultures différentes. D'origine franco-catalane, parfaitement bilingue, elle répond depuis son enfance aux questions de ses amis français ou catalans sur ce qui se passe « de l’autre côté ». Elle est, comme qui dirait, « tombée dans la marmite journalistique quand elle était petite ».
- Tania Markovic