A poster by Théo Mercier

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Wednesday, March 24th 2021

- Translation coming soon -
Théo Mercier is the artist of the artwork that appears on the poster of the 75th edition. Discover his interview.

Poster of the 75th edition of the Festival d'Avignon © Festival d'Avignon

Interview with Théo Mercier

Pour l’affiche de la 75e édition du Festival d’Avignon, vous offrez la vue d’une tête, sinon d'un casque. À la place du visage, le spectateur est happé par une forme que vous avez déjà travaillée : la peinture en coupe d’une pierre. Elle donne l’impression d’une vision d’une constellation.

L’image est composée de la reproduction d’une page d’un livre sur la collection d’objets du musée anthropologique de Mexico City datant des années 1960, sur laquelle j’ai disposé une de mes peintures de tranche d’agate. C’est un collage, une superposition de deux éléments. La pièce de musée est un masque aztèque mortuaire en obsidienne, la pierre superposée devient le masque du masque. Elle obstrue la vision du personnage, mais nous permet, à nous spectateurs, de contempler le paysage intérieur de ce visage. C’est un jeu de regards, une histoire de partage de visions. À la fois cosmique et microscopique, minérale et mentale. Une expérience du voir est ici racontée, une aventure autant « psychotropique » que théâtrale.

Cette œuvre témoigne chez vous d’une attraction très forte pour la science-fiction. En quoi ce genre, qui regarde vers le cosmique, vous fascine-t-il ? N’est-il pas attirant par sa capacité à « déborder » ?

Si, c’est très juste…et très joli ! Le « hors sol », qui est encore ou presque encore un endroit sans frontière, demeure l’endroit impossible de tous les possibles. Nous sommes contenus par l’espace. Notre humanité s’arrête là. Quand nous arrivons à traverser cette barrière, nous mutons, devenons autre chose ; nous ne sommes plus entourés par la vie, mais par la mort. Voyager dans l’espace, c’est baigner dans la mort, dans un cocon de vie arraché à la terre – un état embryonnaire en sorte. J’aime cette idée d'extension, de débordement interdit de la vie.

Plus largement, quel type d’imaginaire essayez-vous de fixer et de proposer, notamment par cette affiche ?

C’est un masque blessé, une vision nouvelle certes mais aussi et surtout une vision empêchée, l’obligation d’inventer de nouvelles formes, de nouveaux regards… Ce n’est pas une image particulièrement agréable, ni chaleureuse. Elle est froide, violente par certains aspects, à l’image de cette année, une année empêchée, frustrée, violente. Le casque a forcément quelque chose de guerrier, il est également celui d'un scaphandrier des profondeurs… J’espère qu’il annoncera le grand retour du spectacle vivant et de la remise en question de nos systèmes face à la médiocrité et le néant ambiant.

Quel rapport entretenez-vous comme spectateur avec le « spectacle vivant » ?

Ni de marbre, ni d’obsidienne, plutôt d’éponge. Je peux rentrer dans un état d’absorption totale. Regarder un corps, écouter une voix, restent mes paysages préférés à contempler. Sur une scène ou dans la rue, nous offrons des voyages infinis de possibles. Les observer, donne tout simplement envie de vivre.

Propos recueillis par Marc Blanchet

Poster of the 75th edition of the Festival d'Avignon © DR