Pendant deux ans, par intermittence, Sandrine Buring et Stéphane Olry ont partagé le quotidien des patients et soignants de l'hôpital pour enfants polyhandicapés de La Roche-Guyon. Des enfants assistés par des appareillages complexes, des enfants sans accès au langage, dont on ne connaît rien de la vie intérieure. La danseuse est entrée à leur contact au cours d'ateliers ; l'auteur et metteur en scène a assisté à ces séances. Comment rendre compte de ce voyage troublant et néanmoins joyeux à leurs côtés ? Au vu de leurs pratiques du corps, de la langue et de leurs sensibilités respectives, les deux artistes ont vécu leur traversée différemment. Ils ont ainsi donné naissance à deux spectacles qui fonctionnent en diptyque et s'enrichissent mutuellement. Pour Ch(ose), Sandrine Buring se glisse dans une éprouvette suspendue. Sa chair nue frotte les parois de la prison de verre, ses yeux, comme à travers le hublot d'un vaisseau, cherchent un horizon ou tout simplement notre regard. La moindre torsion de son dos, le moindre de ses souffles prennent une amplitude hors normes dans cet espace exigu et transparent. Stéphane Olry, quant à lui, nous plonge dans un brouillard épais. Privés de vision, les spectateurs sont cernés par des voix, aux intonations tantôt documentaires, tantôt mystérieuses et informes. Elles tissent un paysage en relief, où l'environnement concret du travail et des relations à l'hôpital est bousculé par les expériences sensibles de la danseuse et des «enfants-corps». Deux temps, deux médiums – le mouvement et l'écriture – pour sonder, par des angles différents, un monde réputé inaccessible, pour tenter de combler un espace blanc. À la manière des cartographes latins qui inscrivaient à la place des déserts encore inexplorés : hic sunt leones, ici sont les lions. RB