C'est une aventure au long cours comme on les affectionne au Festival d'Avignon. Un projet un peu fou : monter dans son intégralité l'une des œuvres-fleuve de Shakespeare : Henry VI. Pas moins de trois pièces, quinze actes, cent cinquante personnages et dix mille vers pour retracer les cinquante années de règne de celui qui fut proclamé roi d'Angleterre à l'âge de neuf mois et finit assassiné de sang froid par le futur Richard III.
C'est avec fougue et foi que, depuis plusieurs années, Thomas Jolly s'est emparé de l'extraordinaire machinerie théâtrale développée par Shakespeare dans cette « saga », qui court de la guerre de Cent Ans à celle des Deux-Roses et mêle, avec brio, comédie et tragédie, réalité historique et fiction dramatique. Un formidable terrain de jeu pour ce jeune metteur en scène et ses vingt acteurs qui feront vœu, en Avignon, de nous tenir en haleine à travers quatre épisodes de quatre heures présentés d'affilée.
Soient seize heures de spectacle : une épopée, pour les artistes comme pour les spectateurs, qui n'est pas sans rappeler celle qu'Olivier Py proposait en 1995 aux festivaliers avec La Servante, histoire sans fin. Comme le nouveau directeur du Festival d'Avignon, Thomas Jolly parie sur le temps, la durée, dans une époque où l'urgence tente sans relâche d'imposer son règne stérile. À travers le projet d'Henry VI, il est tout particulièrement animé par l'idée d'une « communauté éphémère partageant au même endroit et au même moment une portion d'Histoire, regardant ensemble ce que les siècles qui nous séparent de ces personnages ont à nous enseigner. Une communauté qui, à l'occasion des entractes, échange et débat. » À l'image de celle qui renaît chaque été au Festival d'Avignon.
Quelques mots de Thomas Jolly à propos d'Henry VI
« Écrite au XVIe siècle et relatant quasiment tout le XVe siècle, cette œuvre monumentale est de fait installée au tournant de notre Histoire. Et c'est précisément ce qui me fait venir à elle. Elle donne à voir le lent basculement d'une époque ancienne, un Moyen Âge finissant, vers une époque nouvelle, dont j'aime à penser qu'elle serait l'origine de la nôtre. L'abandon, par l'Homme, d'un monde de valeurs communautaires pour un monde individualisé. Monter Henry VI, c'est donc, je le crois, réinterroger notre époque par son commencement. Ce n'est pas une coquetterie, car c'est aussi dans ce but que Shakespeare écrivait pour ses spectateurs. »